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- Points de vue -
Traverser Ecaussinnes ou s’y installer
par François Liénard (artiste) et Xavier (nouvel habitant)
Poète à ses heures, collagiste à 16h30, libraire clandestin, surréaliste revendiqué, activiste culturel en Belgique. Ecrit des textes
sur des artistes connus et inconnus depuis 1992, organise des expositions et publie des catalogues avec le Chalet de Haute Nuit
de 1994 à 2008. Editeur avec L.E.Q.C.D.N.A.C.P. (Les Editions Qui Changent De Nom A Chaque Parution) depuis 2001, professeur
d’Histoire de l’Art, amateur d’images. A vécu un temps à Ecaussinnes.
De soirées sous-marines à la lueur des aquariums
La traversée d’Ecaussinnes Et d’une boîte électrique aux images liquides,
D’une petite fille bientôt grande, de jeux improvisés,
De monstres gentils qui poursuivent des enfants,
Il faudra passer de multiples épreuves De poulets rôtis étendus sur leur lit de purée ou
Infligées par on ne sait quels dieux mauvais, Barbotant dans leur mousseline de pommes,
Enjamber les pachis d’une vie âpre, traverser
Une gare dévastée, l’indifférence féroce de passants, D’expositions d’images du sol au plafond,
Des carrières de pierre froide aux arêtes tranchantes, Les dimanches de Haute Nuit, caves et greniers
Aux baignades interdites qu’on ne pourra que rêver, Habités de fantômes d’agréable voisinage
Qui soupirent dans leurs poutres,
Des travaux sans fin, une voirie ruinée, Qui tremblent derrière leurs lucarnes,
Une rivière qui a ses chaleurs même en hiver, De livres qui étayent les murs branlants des jours,
Qui tousse, qui sue, qui pue, qui a la fièvre, Comblent les vides, meublent le puits des souvenirs.
Qui crache des pneus, des canettes, de la ferraille,
Un grand magasin où errent des fantômes Ecaussinnes est un nid toujours à défendre,
Qui poussent leurs caddies de désespoir, Un château dans les nuages, un monumental
Chien de paille qui brûle dans la nuit
Les cauchemars de la piétaille de ce château fort Et qu’il faudra bien un jour apprivoiser
Qui garde le village, qui protège Ecaussinnes Lorsqu’on aura fait la paix avec soi-même.
Contre des ennemis depuis longtemps enfuis,
Les nerfs qui font des nœuds ou que cisaillent
Les cris d’un enfant qui n’y peut pourtant rien, Ecaussinnes, décembre 2013.
Les hauts couloirs de froidure, les nuits sur le qui-vive,
Des bandes de gilles déplumés rejouant sans fin
Une geste inutile au son d’une fanfare décimée, Né en 1985, Xavier Keunings travaille dans la région, à l’Institut
Des chiens qui se déclenchent comme des alarmes, Sainte-Thérèse de Manage où il exerce la fonction d’éducateur de
Le vacarme rouillé et obligatoire du marchand de glaces. centaines d’ados. Il s’est installé à Ecaussinnes il y a environ trois
mois, dans une jolie maison toute neuve.
Pour déboucher enfin, meurtri mais apaisé,
Sur un paysage aéré aux reflets couleurs d’élytres Originaires d’une autre province, ma compagne et moi ne connais-
Fait d’un château aux tours ciselées par les oiseaux, sions Ecaussinnes que de nom, grâce à ses carrières de pierre bleue.
De rivages aux crues d’or, de paons traversant le temps, Lorsque nous y avons mis les pieds pour la première fois au mois
de décembre 2015, nous avons directement été attirés par le cadre
D’un domaine enchanté fait de vaches et de chevaux champêtre et boisé qui entoure le patelin. La grande arcade du Châ-
Agrippés aux coteaux descendants vers le val teau-Fort faisant office de porte d’entrée au village, sous laquelle
Ondoyant d’une rivière qui s’est refait une beauté, nous sommes passés, nous a donné l’agréable sentiment d’être les
Nourrie de miel et de cumulus vers la rue de la Dîme, bienvenus. La bière spéciale du Vieux Moulin, en contre-bas et au
D’un tunnel de pierres qui fend des champs de verre bord de la Petite Senne, n’a fait que renforcer cette impression.
Et qu’empruntent une fois l’an des amoureux, Depuis ce jour, les choses ont bien évolué. Nous avons emménagé à
Ecaussinnes d’Enghien dans le courant du mois de juin 2017. Nous
D’une plaine de jeux oubliée semée de châtaignes nous sommes dit « oui pour la vie» à la place du Kiosque au mois
Que l’on mange dans une cabane confortable d’août. Mon épouse et moi découvrons petit à petit les avantages et
Faite de branches, de ficelle et d’ombres, les richesses du coin, à savoir les producteurs locaux (fruits, lé-
D’un salon vert habité la nuit par des experts gumes, viandes, …), l’accès aux commerces, les sentiers de randon-
En affaire criminelles, d’un gentil chat orange née, les vestiges du Moyen Age et de la Renaissance, le calme du
Et d’un autre plus taciturne mais thérapeute, voisinage, ou encore les initiatives festives et folkloriques. Sur ce
dernier point, je tiens à préciser que nous sommes pressés de décou-
vrir le carnaval ainsi que l’Oberbayern Marchois dont nous avons
beaucoup entendu parler…