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fournir une hypothèse de datation. En effet, étant donné que la gamme des produits céramiques évolue au cours des siècles - la succession des services dans nos vaisse- liers familiaux en atteste largement - il est tout à fait en- visageable pour le céramologue d’établir une chronolo- gie sur la base des productions et formes identi ées.
1.2 La céramique, témoin socio-culturel et économique
L’essor de l’archéologie préventive* d’une part et l’intérêt pour la céramique médiévale d’autre part ont conjointement favorisé, depuis une trentaine d’années, la constitution de référentiels typologiques régionaux bien datés.
Au-delà de l’aspect purement chronologique, le mobilier de terre cuite révèle également quantité d’informations d’ordre sociologique. A l’évidence, le répertoire typologique obtenu à l’échelle d’un site expose les modes de consommation suivant les périodes concernées. Au vu d’un ensemble, il est possible d’entrevoir s’il y a spécialisation ou non des récipients, mais aussi si les revêtements sont plutôt de type utilitaire ou simplement esthétique, re étant alors par la même occasion les goûts propres à une époque. En tant que témoin de la vie matérielle, et si les corpus sont assez conséquents, les restes de céramiques usuelles peuvent aussi fournir des indications quant aux statuts sociaux.
Dans la mesure du possible, ces référentiels sont orga- nisés en fonction des différents groupes techniques et chaque forme est illustrée suivant ses variantes, c’est- à-dire ses types et sous-types. Le céramologue se doit de confronter ses lots à ceux retrouvés sur d’autres sites assezprochesgéographiquementa ndeproposerune fourchette de datation relativement  able et précise et ainsi enrichir la typologie* régionale. En l’occurrence, pour les sites de Chalencon et des Ollières-sur-Ey- rieux, les études comparatives s’appuient avant tout sur des corpus rhodaniens, plus précisément issus des régions drômoises et lyonnaises (Chabrillan, presqu’île de Lyon notamment). D’ailleurs, les lots mis au jour à Chalencon et aux Ollières-sur-Eyrieux revêtent une importance particulière puisqu’ils permettent d’agré- menter les modestes ensembles céramiques ardéchois actuels.
Ceci dit, mieux vaut prendre en considération l’ensemble des reliquats et des vestiges immobiliers a n de proposer une restitution  able de la condition des occupants.
En n, le céramologue discute et confronte ses données avec celles de l’archéologue établies sur le terrain. La stratigraphie vient effectivement en complément des hypothèses de datations déterminées lors de l’étude cé- ramologique, d’autant plus que le contexte de fouille éclaire certaines incohérences lorsque le lot examiné s’avère hétérogène. C’est le cas notamment des contex- tes de rejets comme les remblais ou les fosses pour les- quels plusieurs faciès céramiques et donc plusieurs épo- ques s’entremêlent. Il faut donc être particulièrement vigilant face à ces couches et parvenir à déterminer la phase qui donnera la date ultime retenue. Il est aussi à noter que les lots, qu’ils soient homogènes ou hétéro- gènes, permettent alors de rendre compte de la durée de vie intrinsèque d’une structure archéologique (niveau de circulation utilisé pendant plusieurs siècles ? fosse comblée en une ou plusieurs fois ?).
Par ailleurs, la tracéologie des céramiques, c’est-à-dire l’observation des traces et des dépôts sur les parois permet de mieux appréhender les modes de cuisson des denrées (traces de feu comme la suie, l’oxydation ou encore les dépôts tartriques par exemple). En ce qui concerne les résidus alimentaires, il est aujourd’hui possible de procéder à des analyses chimiques en laboratoire mais celles-ci nécessitent un protocole de prélèvement et des problématiques spéci ques.
En dehors des essais de caractérisation des populations, la spatialisation des découvertes intervient parfois dans l’organisation et dans le fonctionnement du lieu étudié. La densité des trouvailles à certains endroits vient fournir une interprétation ou con rmer la fonction de certains espaces (pièces de service, cuisine, cour où l’on évacue les déchets...), voire même restituer la position des objets à l’intérieur d’une zone (au sol, sur des étagères...) selon l’éparpillement des tessons. Il ne faut pas négliger l’absence de vestiges matériels sur les sols d’occupation ayant pu être balayés. Là encore, dans l’idéal, archéologue et céramologue entreprennent dès la fouille une méthodologie permettant de répondre à ces questions.
Face aux différents cas de  gures évoqués et dans la mesure où quasi aucune datation fournie par la céramique n’est absolue, il est important pour le céramologue de nuancer son propos. Pour répondre à cet état de fait, l’utilisation de terminus post quem (TPQ)estpréférable.Pardé nition,cette«limiteaprès laquelle » indique la date à partir de laquelle un artefact a pu être déposé.
En n, à plus large échelle et lorsque le corpus est raisonnablement conséquent, une étude approfondie sur les pâtes renseigne sur les échanges commerciaux et sur les stratégies de productions d’un site ou d’une zone géographique préalablement délimitée. Les analyses en laboratoire suppléent les observations macroscopiques pour déterminer la provenance d’individus, ce qui constitue un premier pas vers les questions d’approvisionnement des besoins élémentaires et de systèmes de marchés.
Par exemple, la majorité des céramiques médiévales des Ollières-sur-Eyrieux possèdent un TPQ centré sur l’extrême  n du XIIe siècle, sans exclure la pos- sibilité qu’elles soient attribuables au XIIIe siècle. En revanche, elles ne peuvent être antérieures à la  n du XIIe siècle.
Ces problématiques sont désormais au cœur de l’avancée des recherches en céramologie car elles concourent à l’établissement de faciès de production et de consommation suivant des frontières spatiales.
125 Cahier de Mémoire d’Ardèche et Temps Présent n°139, 2018





















































































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