Page 65 - matp
P. 65
l’Ardèche. Ses connaissances solides en matière d’agriculture, sa situation indépendante, son goût du progrès méthodique et prudent le désignaient pour en faire un dirigeant de la Haute- Ardèche.
Regrettons-le donc comme concitoyen mais aussi comme soldat, envions-le d’avoir clos une vie déjà toute de lumière et de la loyauté par une mort de héros, radieuse comme un soleil couchant.
Sous-lieutenant Xavier Vallat du groupe de Pailharès. »
A l’issue des combats, Xavier Vallat est démobilisé avec le grade de lieutenant. Mais commence pour lui selon son expression le combat « pour la paix ». Il pro- longe et développe hors des tranchées, dans les lettres qu’ il continue d’ adresser à l’ A CJF, ses idées inspirées par ses maîtres, un Hyacinthe de Gailhard-Bancel, mais aussi bientôt un Charles Maurras. Il exprime et approfondit sa relation aux paysans combattants qu’il a connus et commandés dans les tranchées. L’occasion lui est alors donnée de porter ses idées au sein même de l’ A ssemblée nationale : « A la démobilisation, j’ avais repris ma place de professeur au collège catholique d’ Aix-en-Provence. C’ est là qu’ un télégramme de M. Louis Mignot vint me toucher, le 16 octobre 1919, me demandant d’ aller le voir à Annonay. C’ était pour me proposer de gurer sur la liste d’Union nationale ardéchoise aux élections du 16 novembre suivant » (12).
L’Union nationale ardéchoise rejoint le Bloc natio- nal formé après de très nombreuses négociations entre monarchistes, nationalistes anti-parlementaristes et autres tendances de droite et du centre, négociations encore compliquées par un sys-
tème électoral qui associe scrutin
proportionnel plurinominal et,
dans le cadre de chaque départe-
ment, scrutin majoritaire plurino-
minal. Le Bloc national construit
sa campagne sur l’idée qu’il faut
maintenir l’Union sacrée, sur
l’application stricte des articles
du traité de Versailles (considé-
rés par certains comme insuf -
sants !) et sur la lutte contre le
bolchevisme. La liste d’Union
nationale ardéchoise remporte
quatre des cinq sièges de députés
que compte alors l’Ardèche. Xa-
vier Vallat, 28 ans, obtient le plus
grand nombre de voix parmi les
élus ; avec lui se retrouvent sur les
bancs de la chambre « Bleu hori-
zon », Hyacinthe de Gailhard-
Bancel, Jules Duclaux-Monteil
et Pierre Vallette-Viallard, autre
Les articles de La Gerbe cités sont extraits du Fonds de l’Action Catholique de la Jeunesse Française, Archives diocésaines de Viviers que nous remercions vivement.
12. Xavier Vallat, in Un demi-siècle d’Histoire de l’Eglise de Viviers avec Monseigneur Antoine de Casteljau, Maison des Œuvres, Annonay, 1972.
ancien combattant. Battu en 1924, Xavier Vallat sera réélu en 1928 et restera député jusqu’en 1940 lorsque les pleins pouvoirs seront accordés au maréchal Pétain.
Dans le même temps, Xavier Vallat reprend des études de droit et prête le serment d’avocat en 1923.
Elu à l’Assemblée nationale, il n’aura de cesse de défendre les Anciens Combattants, s’élevant notam- ment contre l’immigration étrangère, ces étrangers qui prennent selon lui les emplois de milliers de Français revenus du front. A ce combat avec nombre de ses an- ciens camarades des tranchées, il joindra toujours sa vision d’une paysannerie conservatrice des valeurs tra- ditionnelles. Deux postures qui, jointes à son « antisé- mitisme non racial » feront qu’il rejoindra le gouverne- ment du maréchal Pétain prônant le « retour à la terre », comme secrétaire général aux Anciens Combattants de juillet 1940 à mars 1941 avant d’être commissaire général aux Questions juives avec rang de secrétaire d’Etat. Jugé trop modéré par les Allemands et parce que son passé anti-allemand le rendait suspect à leurs
yeux, il sera remplacé en mai 1942 par Louis Darquier de Pellepoix.
Lors de son procès, il assu- mera ses idées et son rôle pen- dant l’Occupation, niant avoir collaboré avec les Allemands et avoir fait preuve, malgré l’évidence, de racisme envers les Juifs.
Frappé d’indignité natio- nale, condamné à dix ans de prison, il est interné à Fresnes puis transféré à Clairvaux où il rencontre son voisin de cel- lule Charles Maurras, appro- fondissant avec lui un engage- ment désormais monarchiste. Libéré conditionnel en 1949, il sera amnistié en 1954. Il décèdera le 6 janvier 1972 à Annonay.
63 Cahier de Mémoire d’Ardèche et Temps Présent n°139, 2018