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 Quand la femme du pasteur de Vernoux of cie à la place de son mari mobilisé
Pierre COULET
31 ans, il avait épousé à Paris, à la  n de ses études de théologie, Marguerite Hipeau, jeune institutrice dont les parents dirigeaient un « asile » destiné aux vieillards.
Au cours de la Grande Guerre, les femmes de l’ar- rière ont remplacé les hommes dans presque toutes les tâches qu’ils accomplissaient habituellement, notam- ment dans les fermes ou les usines, mais également dans de multiples autres professions et services.
Au début de la guerre, Jacques Marty a d’abord été mobilisé à Privas comme in rmier à l’hôpital auxiliaire (2) avant de servir sur le front comme brancardier divisionnaire.
En ce qui concerne le domaine religieux, si le problème ne se pose pas dans l’Eglise catholique, il est différent pour les protestants où, le plus souvent, les pasteurs sont mariés. Leurs épouses étaient jusque-là cantonnées dans un rôle d’accompagnement dans l’instruction religieuse des enfants et plus spéci quement dans l’organisation de « réunions de couture » pour les paroissiennes.
Pendant son séjour à Privas, n’étant pas très éloigné de sa paroisse qu’il rejoignait à bicyclette en  n de semaine, il a pu continuer son ministère. Lorsqu’il dut rejoindre le front, des pasteurs plus âgés de paroisses voisines, non mobilisés, le remplacèrent, celui de Boffres en particulier. Le surcroît de travail et notamment les déplacements dans la campagne pour les services funèbres dans des conditions hivernales rudes eurent raison assez rapidement de l’état de santé du pasteur de Boffres et ce fut alors Mme Marty qui prit le relais. Devant ce cas de force majeure, elle fut autorisée par les instances protestantes à suppléer son mari pour conduire le culte du dimanche, bénir les baptêmes et les mariages éventuels et assurer le service religieux lors des inhumations. En outre, elle prit une part active à la gestion de la paroisse.
Bien que n’ayant alors aucun statut ecclésial dé ni par la « Discipline de l’Eglise réformée », dans les circonstances exceptionnelles créées par la guerre, certaines d’entre elles vont s’engager beaucoup plus avant dans la vie de l’Eglise.
En effet, depuis la loi du 15 juillet 1889, les ecclésiastiques devaient satisfaire aux obligations militaires et en cas de con it étaient mobilisables pour être aumôniers ou affectés dans le Service de Santé.
Ce fut le cas en Ardèche pour de nombreux curés et pasteurs dès août 1914. Généralement leur rempla- cement dans leur paroisse était assuré par certains col- lègues plus âgés ou retraités, mais cela ne fut pas tou- jours possible, conduisant à des situations inédites (1).
Nous avons pu disposer récemment du texte d’une lettre de Marguerite Marty, envoyée de Vernoux en novembre 1916 en réponse à l’appel à témoignage lancé par Marguerite de Witt-Schlumberger, paru dans les journaux protestants nationaux quelques semaines auparavant (3). Cette dernière, petite- lle de
Nous allons nous intéresser au cas particulier de la paroisse protestante de Vernoux où se trouvait en poste depuis un an un jeune pasteur, Jacques Marty. Agé de
 1. Pierre Coulet, « Dans l’Ardèche et la Drôme les protestants soudés dans l’épreuve de la Grande Guerre », Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français (Bull. SHPF) 160 (2014), pp. 373-395.
2. Hôpital auxiliaire des « Dames françaises » dépendant de la Croix-Rouge situé dans les locaux de l’Ecole Normale d’Instituteurs.
3. Marguerite de Witt-Schlumberger, Le rôle des femmes de pasteurs pendant la guerre, éd. Fischbacher, Paris, 1917, 15 p., Biblio- thèque de la SHPF, Rue des Saints-Pères, Paris. Remerciements de l’auteur aux bibliothécaires, Mesdames Gromesova et Vié pour la recherche et la transmission de ce document.
93 Cahier de Mémoire d’Ardèche et Temps Présent n°138, 2018



















































































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