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tience et à l’effort, et leur demandant de ne pas négliger le baptême de leurs enfants.
Parmi les articles de portée plus générale, on trouve des textes indiquant la position de la fédération des Eglises protestantes de France face à la guerre ainsi que la reproduction d’articles parus dans la presse protestante nationale à propos du con it.
âgés de 6 mois à 2 ans. Certes, le baptême était recom- mandé par son mari dans ses lettres pastorales, mais le fait qu’elle ait elle-même des enfants en bas âge la rapprochait certainement des autres jeunes mères de fa- mille de la paroisse et facilitait les échanges.
A partir de juin 1916, le pasteur de Boffres est de retour. Aidé de celui de Charmes ou d’autres pasteurs retraités, il va à nouveau présider les services religieux à Vernoux et Mme Marty s’effacera. En janvier 1917, Jacques Marty, après diverses affectations et périodes de convalescence pour raison de santé, est de retour à Vernoux « en congé de réforme temporaire ». Il assure alors tous les services de la paroisse qui reprennent « comme en temps de paix ». Son épouse n’interviendra alors que de façon exceptionnelle lorsqu’il sera empê- ché .
Actuellement dans l’Eglise protestante, les femmes pasteurs sont nombreuses et parfaitement acceptées mais ce n’est qu’après la Deuxième Guerre mondiale que cette évolution a eu lieu. Une première étape a été franchie lors du synode national de 1949 où, « à titre exceptionnel », ce dernier se donne la possibilité d’accorder à une femme le plein exercice du ministère pastoral, mais il faudra attendre le synode de 1966 pour qu’il soit ouvert aux femmes « sans aucune restriction ».
En Ardèche, c’est dans la paroisse de Mars-Intres que l’on trouve la première femme pasteur, Madame Boury, en poste de 1972 à 1978. Dans une société rurale restée très traditionnelle, elle dut faire face à de nombreuses oppositions que sa forte personnalité lui permit de surmonter (10). Plus d’un demi-siècle après la n de la Grande Guerre, dans une période qui n’était plus exceptionnelle, il restait du chemin à faire pour qu’une femme pasteur soit reconnue au même titre qu’un homme.
C’est également vrai dans de nombreux autres domaines pour des fonctions traditionnellement dévolues aux hommes et aujourd’hui encore, malgré de réels progrès, il ne semble pas que la mutation soit pleinement achevée...
La réponse de Mme Marty à Marguerite de Witt- Schlumberger nous montre une jeune mère de famille volontaire (7) s’occupant de ses quatre enfants en bas âge, et prenant en charge la paroisse la plus importante du secteur.
Mme Marty parle d’une tâche qu’elle était à même de remplir, ce qui peut s’expliquer par sa culture familiale et sa formation d’institutrice. En effet, elle avait certainement l’habitude de l’analyse de textes et de la rédaction de commentaires.
Mme Marty n’a pas été la seule femme de pasteur au niveau national à remplacer son mari dans sa paroisse comme le montre l’analyse par G. Cadier-Rey (8) des réponses faites à Marguerite de Witt-Schlumberger.
De façon générale, il semble que leur initiative ait été appréciée par les paroissiens et les pasteurs restés en poste même si parmi eux s’élèvent quelques voix discordantes, rappelant que le rôle d’une femme est de s’occuper du ménage, faire la cuisine et élever des enfants...
Ce qui ne manque pas de heurter les convictions fé- ministes de Mme de Witt-Schlumberger qui rétorque : « Nous savons bien que l’on acceptera toujours l’aide des femmes en sous-ordre, mais il est préférable de se rendre compte dès aujourd’hui qu’une évolution s’est produite et que, s’il y a lieu pour personne, homme ou femme, de mépriser les besognes modestes, le sous- ordre ne sera pas accepté indé niment par des femmes conscientes de leur valeur et de leurs capacités » (9).
Nous n’avons pas aujourd’hui d’échos sur la façon dont l’action de Mme Marty a été perçue dans la région de Vernoux. Elle a procédé à douze baptêmes d’enfants
7. Marguerite Marty est alors âgée de 35 ans.
8. Gabrielle Cadier-Rey, « Les femmes de pasteurs pendant la première guerre mondiale », Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français (Bull. SHPF) 160 (2014), pp. 123-140.
9. Citation de Marguerite de Witt-Schlumberger, in G. Cadier-Rey, op. cit., p. 138.
10. Laurence Chatoney, « Femmes pasteurs en Ardèche », Cahier de Mémoire d’Ardèche et Temps Présent n°78 (2003), pp. 59-60 .
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