Page 43 - MOBILITES MAGAZINE n°37
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                  tALSTOM/ Bombardier
         à bas le modèle industriel mon- dialisé qui s’est progressivement mis en place depuis près d’un quart de siècle.
Le blocage, même temporaire, des flux de transports a montré la fra- gilité extrême du fonctionnement des chaines de production et d’ap- provisionnement qui ont été pro- gressivement mises en œuvre dans le cadre de ce modèle.
Des chaines qui sont à la fois trop étendues dans l’espace géogra- phique - avec des sites industriels et des fournisseurs répartis dans le monde entier - et trop tendues dans le temps au nom de la règle intangible du « juste à temps », elle-même assortie au point de vue logistique de celle du « zéro stock ». Tout cela au nom d’une véritable « culture du flux » consi- dérée comme le fondement de la vie économique dite post-indus- trielle. Aussi, quand la production... industrielle s’est arrêtée en Chine, l’ensemble de la chaine mondialisée en a été rapidement et profon- dément affectée.
L’industrie ferroviaire ne s’est pas engagée dans ce système de façon aussi profonde et généralisée que les industries automobile ou aé- ronautique, qui restent les plus mondialisées et encore plus concur- rentielles, mais les exemples d’Als- tom et de Bombardier illustrent aussi en partie ces mêmes fragili- tés. Dans la mesure ou les deux groupes sont, à l’instar de leurs concurrents, dépendants d’appro- visionnements extérieurs parfois lointains(2).
il convient cependant de constater que, du côté d’une partie de sa chaine d’approvisionnement, Bom- bardier France peut apparaître comme une sorte de contre-exem- ple dans ce domaine. En l’occur- rence positivement et de façon prémonitoire. Puisque Bombardier, dont les activités françaises sont concentrées sur le seul site de Crespin près de Valenciennes, a concentré en grande partie loca- lement ses approvisionnements en créant, au fil des années, un véritable cluster qui réunit nombre
2) Si les deux groupes communiquent peu sur ce sujet délicat, les visiteurs avertis de leurs différents sites de production ont pu constater la provenance géographique des caisses de composants qui approvisionnent les chaînes de montage.
3) L’hydrogène en sus pour Alstom avec les dérivés de l’ « I-Lint » (électrique + hydrogène), le «Talent3» (électrique + batteries) et les propositions de
« verdissement » (conversion en électrique + batteries des packs moteur électrique + diesel) des rames AGC bi- modes en France.
de ses fournisseurs autour ce même site.
Le nouveau groupe issu de la fusion pourra-t-il mettre à profit cette expérience en se lançant dans une démarche de retour vers des chaines de production et d’ap- provisionnement qui seraient à la fois relocalisées et redimension- nées aussi bien dans l’espace que dans le temps ?
Est-il trop tard ?
On peut cependant estimer qu’il est déjà trop tard pour pouvoir re- venir sur certains éléments de cette chaîne de production mon- dialisée. On pense ici notamment aux batteries. Un domaine qui est d’autant plus stratégique que ces dernières sont désormais devenues la base industrielle incontournable pour tenir les promesses de « ver- dissement » de la traction ferro- viaire récemment mises en avant aussi bien par Alstom que par Bombardier( 3). Or, cette production des batteries est en passe de de- venir un quasi-monopole mondial géographiquement délimité en Asie. Détenu par des fabricants essentiellement chinois mais aussi sud-coréens et japonais qui ont en même temps largement mis la main sur de précieuses sources d’approvisionnement en métaux rares, ingrédients nécessaires à la fabrication des batteries.
Face à cette situation, l’Union eu- ropéenne avait décidé en 2017 de mettre progressivement en place une « Alliance européenne de la batterie » (EBA). Réunissant États- membres, Banque Européenne d’investissements, recherche et industries-clés, cette alliance aurait l’objectif d’investir 250 M€ d’ici 2025. En réalité, une infime goutte d’eau à l’échelle de la forte de- mande de l’Europe, et ce dans un marché mondial de la batterie qui devrait dépasser les 12 Mds€ dès 2024 ...
MoBilitéS MAgAzine 37 - MAi 2020 - 43




















































































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