Page 30 - MOBILITES MAGAZINE n°39
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                 Politiques & institutions
muler la marche et le vélo. Autre mesure intéressante : Athènes in- terdit aux voitures de circuler dans une grande partie de son centre- ville pendant trois mois (et peut- être plus).
Cela sera-t-il suffisant ? Ces inves- tissements sont les bienvenus, mais la part modale du vélo est restée stable, sous les 2% au Royaume- Uni au cours de la dernière décennie et est estimée à environ 3% en France. Une réduction à long terme de 10% de la fréquentation des transports en commun suffirait à niveler l'impact d'une augmentation du nombre de cyclistes. on peut encore craindre un déplacement important des transports publics vers la voiture.
en France, qui accueille 3 des quelques opérateurs de transport public mondiaux (transdev, Keolis, RAtP), les représentants du secteur se sont battus avec acharnement - mais sans grand succès - pour éviter des mesures trop strictes de distanciation sociale à bord des métros et des bus et pour faire du port du masque la principale mesure sanitaire.
enfin, transport for London (tfL), qui n'a pas résolu le dilemme entre la priorité à donner aux problèmes de congestion ou au respect des mesures sanitaires, a augmenté à la fois la taxe de congestion impo- sées aux voitures et ses tarifs de transports publics. Au moins, l'au- torité ne fera pas faillite.
Impact psychologique
Maintenant que le ministère français des transports envisage d'assouplir ces mesures, il est impossible de prévoir l'ampleur de l'impact psy- chologique sur la façon dont les gens choisiront leur mode de trans- port. il existe des précédents : les attentats terroristes de Madrid (2004) et ceux de Londres (2005), qui visaient les transports en com- mun, ou ceux de Paris (2015) qui
visaient la « vie nocturne ». Dans chaque cas, les transports publics se sont effectivement rétablis en quelques mois.
Mais l'enjeu n'est pas le même : avec le virus, ce sont les transports en commun eux-mêmes et leurs usagers qui font peur aux gens. Nous avons également été exposés au message de distanciation sociale pendant longtemps et cela pourrait durer jusqu'à ce que nous ayons trouvé un vaccin.
Bien sûr, les gens ont beaucoup évoqué la crise comme une op- portunité de changement de tra- jectoire pour notre civilisation, vers la décarbonation et la résilience. Mais j'entends les mêmes per- sonnes dire : « Pas question que j'utilise le train pour le moment, je vais juste conduire ». Comme je ne connais pas grand-chose à la sociologie, je vais citer un expert en très longues aventures, Sylvain tesson, qui raconte son voyage à pied de la Sibérie à l'inde : « Si je dis que j'ai l'intention de marcher jusqu'en Mongolie, un objectif aussi abstrait ne dérange personne, mais si je prétends que je vais atteindre l'autre versant de la montagne, tout le monde de ce côté va se re- beller. [...] Parce que c'est ce que nous connaissons le mieux, nous craignons plus ce qui est proche de nous que ce qui est encore loin ». Nous craignons plus le virus que le changement climatique.
Classer nos priorités
Le changement climatique et l'épui- sement des ressources sont tou- jours les deux plus grands pro- blèmes auxquels nous sommes confrontés dans le monde. Lorsque le virus a frappé, nous avons pu, en dernier recours, nous mettre en quarantaine pour en atténuer les effets.
il n'y aura pas de mesures immé- diates semblables à un verrouillage que nous pourrons prendre lorsque nous serons confrontés à des sé- cheresses record qui anéantiront des cultures entières, lorsque des zones côtières habitées par des dizaines de millions de personnes seront inondées par une combi- naison d'élévation du niveau de la mer et de phénomènes météoro- logiques extrêmes.
Un fait essentiel que peu de gens connaissent est l'inertie et la latence du changement climatique induit par les gaz à effet de serre. Lorsque nous avons ajouté plus de 100 ppm de Co2 dans l'atmosphère, nous nous sommes engagés à ce que les températures augmentent pendant des centaines d'années, c'est-à-dire même si nos émissions tombent à zéro demain. La trajec- toire de nos émissions de Co2 va modifier l'ampleur du changement climatique, mais avec une latence de 20 ans.
La gestion de nos émissions com- mencera à faire une différence en
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