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 Technologies & innovations
cessaires dans un secteur dont la production est appelée à être très fortement sollicitée dans l’avenir. Entre le renouvellement du parc nucléaire et le développement an- noncé des énergies dites « alter- natives » (éolien, solaire, marin, biomasse, etc.), la note sera en effet salée.
Le choix d’une augmentation sup- plémentaire et générale du prix de l’énergie électrique a également un coût socio-politique prévisible, aussi considérable que potentiel- lement très explosif.
Un coût qui serait socialement d’autant plus élevé que « le véhi-
une gigantesque bombe socio- politique. Une crise potentielle à côté de laquelle celle des gilets jaunes, qui a eu d’ailleurs pour conséquence un ralentissement de la progression des recettes fis- cales de l’État sur les carburants rappelle l’étude, n’aurait été que le premier acte d’une profonde rupture sociale et territoriale...
Une politique de gribouille ?
D’autant que le développement de la voiture électrique ne suffit pas à faire une vraie politique des transports. L’étude constate en effet qu’en dépit de cette électri-
place d’une politique qui permettrait de pouvoir commencer à sortir de l’impasse du (presque) « tout-au- tomobile ».
C’est la raison pour laquelle Bruno Gazeau, après la présentation du rapport le président de la FNAUT, a posé la question stratégique de la place et du rôle de cette élec- trification dans une politique plus globale des transports et d’amé- nagement du territoire. Il rappelle que la place de la voiture — qu’elle soit électrique ou thermique — resterait encore trop importante dans l’espace urbain comme dans le partage modal.
Plus encore, il pense que cette politique s’apparente en fait à « une nouvelle forme de subven- tion à grande échelle de l’industrie automobile et de la mobilité indi- viduelle », aux dépens du néces- saire développement du transport public. Une affaire à suivre avec attention, car de cette logique peu- vent découler de nombreuses orientations aux implications fis- cales, économiques et sociétales pour l’instant encore difficiles à mesurer... z
MICHEL CHLASTACZ
1) « Le soutien à l’électromobilité par la puissance publique. Analyse du coût public et propositions pour une fiscalité post- carbone ». Étude réalisée par 6t-bureau de recherche pour le compte de la FNAUT. 27 décembre 2021, 128 pages, tableaux, annexes.
2) Des impacts industriels qui sont incessamment mis en avant par les constructeurs espérant obtenir d’importantes subventions publiques pour la reconversion de leurs sites de production du thermique vers l’électrique ...
3) De 2013 à 2020, les aides publiques à l’achat d’un véhicule électrique ont totalisé 1,7 Mds€ avec une très forte augmentation récente (+ 20 % de 2019 à 2020). Aux différentes aides à l’achat (primes à la reconversion, bonus écologique, etc.) s’ajoutent celles locales, départementales ou régionales destinées à la création des bornes et des réseaux spécialisés de distribution.
4) Soit l’équivalent ou 1,3 fois le budget du ministère de la Justice, selon l’étude.
5) Avec une taxation de l’électricité qui serait ciblée aux seuls possesseurs, l’utilisation d’une voiture électrique serait de 44% plus élevée que celle d’une voiture diésel et de 35 % que celle d’une voiture à essence. Avec une taxation générale de l’électricité, le diésel resterait de 38 % plus coûteux que l’électrique et l’essence de 35,8 %.
6) Les « distances domicile-travail et la répartition spatiale des activités des ménages ». Et, convient-il de rappeler, le manque de couverture de nombreux territoires - notamment périurbains et ruraux - par les transports publics...
  cule électrique se diffuse surtout dans les classes les plus favorisées de la population, et que la dé- marche d’augmentation des coûts de l’énergie électrique revient à un financement de la mobilité des plus riches par l’ensemble des Français, soit une redistribution en sens inverse », conclut l’étude. Fi- nalement, dans ces conditions, on ferait payer le développement de la voiture électrique par ceux qui n’auront jamais les moyens de l’acquérir !
fication « l’usage de la voiture de- meurera probablement stable [puisque] le développement du véhicule électrique durant les dix dernières années n’a pas vraiment eu d’impact sur l’usage de l’auto- mobile [qui est] avant tout déter- miné par des facteurs géogra- phiques exogènes »(6).
On pourrait également estimer que le développement de la voiture électrique tel qu’il est actuellement vanté politiquement (voire vendu selon des techniques mar- keting ?) et fiscalement mis en œuvre peut même avoir un effet stratégique particulièrement « per- vers ». En retardant la mise en
Dans ces conditions où
rait-on dire caricaturalement — les « prolos paieraient pour les bobos », on fabriquerait en même temps
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