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Le difficile marché de la réparation au Québec
Au Québec, le marché de la réparation fait face à nombreux obstacles : manque de main-d’œuvre et d’expertise, rareté des pièces détachées, coûts élevés, rentabilité quasi nulle. Les artisans qui se spécialisent dans l’entretien
et la réparation d’objets sont conscients de l’importance de ce secteur d’activité dans une société qui cherche
à réduire la consommation et préserver l’environnement. Plusieurs attendent avec intérêt l’entrée en vigueur
de la Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens.
Réparer les outils
Michel Boyer est co-propriétaire de l’entreprise Outils Pierre Berger qui offre un service de réparation d’outils à sa succursale de Saint-Hubert.
«Mes partenaires et moi avons souvent pensé à cesser d’offrir le service parce qu’il n’y a pas d'argent à faire en réparation. Mais c’est un service de plus qu’on offre à nos clients et qui nous démarque de la concurrence. Donc, on continue parce qu’il n’y a personne d’autre qui le fait.»
Les réparateurs d’outils se font rares et le fait que les produits soient pour la plupart fabriqués en Chine complique les choses. «Ça coûte cher un service de réparation parce que les produits ne sont pas fabriqués ici. Il faut commander des pièces, les entreposer, parfois les garder au chaud ou hors de l'humidité, bref les gérer. »
Robert Levesque, co-propriétaire du Docteur de l’outil, en affaires à Drummondville depuis 32 ans, abonde dans le même sens. «Ça prend des réparateurs pour faire des réparations! Et ils sont difficiles à trouver. Lorsqu’on embauche quelqu’un, on s’engage à le former et ça prend plusieurs mois.»
Malgré tout, M. Levesque est persuadé qu’il y a un avenir pour l’indus- trie de la réparation.
«Si on souhaite agir en faveur l’environnement, les gouvernements n’auront pas le choix de forcer les compagnies à vendre des produits qui ne sont pas jetables après usage et qu’on est capable de réparer comme en Europe. C’est une question de mentalité et les Européens ont une longueur d’avance sur nous dans ce domaine. »
Le Docteur de l’outil peut toutefois compter sur une clientèle fidèle, habituée aux réparations : les constructeurs, les entrepreneurs et les agriculteurs.
Des équipements de sport usagés
L’entreprise Sports aux puces développe son réseau de franchises depuis 1992. Aujourd’hui, c’est plus de 25 magasins qui font affaire dans autant de municipalités au Québec. Leur mission est de vendre des produits de sports neufs et usagés et d’en faire la réparation ou l’entretien pour en prolonger la durée de vie.
«Nous sommes des précurseurs; vendre des objets usagés c’est bon pour la planète, c’est bon pour le portefeuille, c’est bon pour tout le monde!», lance Luc Benoit, copropriétaire de la boutique de Laval, depuis 2007.
En matière de réparation et d’entretien, les vélos dominent.
« Chez nous, le volet réparation des vélos fonctionne très bien parce qu’un vélo, ça a une bonne valeur et ça exige un bon entretien régulier. Mais la réparation n’est pas donnée à tout le monde, ça prend des réparateurs, de l’expertise, de l’espace et toutes sortes d’outils.»
Réparation des téléphones cellulaires
Le marché de la réparation des téléphones cellulaires et des tablettes semble être en meilleure santé, à cause de la valeur de ces appareils, sauf lorsqu’on y regarde de plus.
Jusqu’en 2020, David Fournier opérait cinq succursales de SOS Téléphone. La pandémie et le manque de personnel l’ont forcé à fermer trois de ses magasins.
«C'est un domaine où la main-d'œuvre est difficile trouver et à garder et les investisseurs dans ce secteur sont rares. J’ai l'impression que nos belles années sont passées. »
Pour David Fournier, les fabricants « qui contrôlent les pièces, leur disponibilité et leur prix, vont réussir à tuer le marché à force de multiplier les obstacles à la réparation. Les compagnies devraient être obligées de nous fournir chaque pièce détachée; c’est la base pour avoir le droit à la réparation. »
Les cafés Réparation
Comme en Europe, les Repair Café se multiplient au Québec. Dans le quartier Limoilou à Québec, le Café Réparation Québec compte 1 800 membres ; tous les mardis soir, des bénévoles sont sur place pour aider les consommateurs à réparer leurs objets.
« Les gens viennent au Café Réparation pour des machines à café, des appareils de cuisine comme des robots culinaires, des enceintes qui fonctionnent en Bluetooth, des jouets, des machines à coudre. Plus une personne a payé son objet cher, plus elle va vouloir le faire réparer », explique Laurent Metais, président du conseil d’administration.
L’atelier met à la disposition de sa clientèle des imprimantes 3D qui permettent de redessiner et de réimprimer certaines pièces en plastique introuvables.
«Il y a beaucoup d’embûches pour ceux qui réparent les produits. Une entreprise privée peut difficilement offrir un service de réparation, car ce ne serait pas rentable. Mais c’est sûr que si on avait un label de réparabilité, cela limiterait la vente de produits irréparables. »
82 AUTOMNE 2023 • AQMAT MAGAZINE
Dossier Réparation