Page 53 - AQMAT_Mag_2021_automne
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                       L’entrevue
L’entretien qui suit s’est tenue le 9 septembre dernier, au domicile de Patrick morin, selon les règles de distanciation sociale et en présence de son fils François.
Q il est bien connu que vous êtes parti du bas de l’échelle. Parlez-nous de vos débuts...
R J’ai ouvert un petit moulin à scie en 1955, avec une claque et une bottine, ce qui veut dire avec peu de moyens. J’y coupais surtout de l’érable, de la pruche et de l’épinette. Ce n’était pas toujours facile, vous comprenez bien. C’est après quelques années dans ce domaine que je me suis lancé dans les matériaux de construction, plus précisément en 1960. Il s’agissait d’un petit magasin de 12 par 16 pieds, installé sur pilotis. L’hiver, comme ce n’était pas chauffé, je déménageais l’inventaire dans le sous-sol de ma maison. Ce qui ne posait pas vraiment de problème, car l’hiver, à cette époque, il n’y avait que très peu de ventes. La région dépendait alors surtout du tourisme estival. tout ça a bien changé depuis.
Q Aviez-vous alors l’intuition que notre secteur d’activités serait appelé à connaître une croissance aussi fulgurante ?
R non. moi, lorsque j’ai débuté dans ce métier, c’était dans le but de manger trois fois par jour. on souhaite toujours que tout aille bien, mais on ne peut jamais savoir à l’avance...
Q Y avait-il beaucoup de concurrence dans la région ?
R oui, beaucoup. Il y avait un moulin à scie à Sainte- marcelline, un autre à Saint-Ambroise, et quelques autres dans les environs. Vous savez, la compétition, c’est bon. Ça nous force à aller de l’avant et à s’améliorer.
 Q
R Aujourd’hui peu de gens sont prêts à travailler des journées de 10 à 12 heures. De plus, à mes débuts, on parlait d’une semaine de travail de six jours, pour six dollars par jour. Aujourd’hui, on parle d’une semaine de quatre jours (rires). Démarrer une entreprise de nos jours doit être très difficile...
Q Un mauvais épisode à nous partager ?
R
en un demi-siècle, qu’est-ce qui a le plus changé ?
Vers 1970, je me souviens que j’avais besoin de planches supplémentaires pour fournir mon commerce. Lors d’un redoux de printemps subit en avril, les eaux de la rivière L’Assomption ont vite monté. Je me suis alors rendu sur les lieux pour vérifier mon bois, qui se trouvait sur la rivière et en bordure de celle-ci. Les estacades grinçaient, mais semblaient tenir le coup. Arrivé à la maison, j’ai dit à mon épouse Denise : « Je crois qu’il va arriver quelque chose de grave parce que je viens de voir des femmes en costume de bain en avril ». (rires) Blague à part, le lendemain, j’avais tout perdu mon bois... J’en ai trouvé jusqu’à Saint-Gérard... et dans des sous-sols de chalet, à plusieurs endroits. À l’époque, j’avais emprunté pour acheter ce bois. et après avoir connu des situations de crise avec certains projets en Abitibi et ailleurs, les banques étaient assez frileuses. Repartir a été difficile. mais, j’ai appris.
Automne 2021   AQMAT MAgAzine 53




















































































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