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NOMBRE D’INTERVENTIONS
DES SAUVETEURS EN MER
2016
2017
2018
AUGMENTATION SUR TROIS ANS
Pour les professionnels
349
340
454
+30%
Dont pêche
259
245
338
+30%
Pour la plaisance
2265
2426
2675
+18%
SUPERBES, MAIS FRAGILES
C’est vrai. On oublie ce que c’était avant. Septembre 1930 : tempête d’apocalypse en pleine période de pêche au thon. Les superbes thoniers à voile avec leurs voûtes arrière filant loin au-dessus de l’eau étaient fragiles quand il fallait mettre en fuite, mer de l’arrière. Trente bateaux perdus d’un coup. Deux cents marins pêcheurs disparus. Et novembre 1954 ? Six navires de Concarneau ne répondront plus jamais aux appels radio.
À la lecture de la publication qui précédait Sauvetage, dans les années 1970, on est frappé par le nombre de sauveteurs pêcheurs dont on annonce le décès en pêche. À Saint-Guénolé, Nonna Tanniou, canotier, mort des suites d’une chute sur le pont de son cha- lutier. À Ouistreham, Jules Vicquelin, sous-patron, « parti seul à bord de son chalutier Grâce de Dieu pour pêcher de nuit » ; son corps est retrouvé flottant près du bateau. À Loctudy, Corentin Cloarec, ancien cano- tier, emporté par une lame en « opération de pêche » au large de Belle-Île. À l’île d’Yeu, Jean-Louis Mutel, canotier, disparaît dans le naufrage du thonier Port Breton, « disloqué par un paquet de mer au cours d’une violente tempête s’apparentant à un cyclone ». Etc., etc .
UN TAUX GLAÇANT
Incontestablement, la situation n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était. Cependant, la baisse du nombre d’accidents a tendance à atteindre « un plateau », nous dit-on au cours d’une journée organisée en juin à Bayeux et Port-en-Bessin par l’Institut maritime de prévention (IMP), qui œuvre inlassablement pour améliorer la sécurité des marins.
Autre signal d’alerte, le nombre d’interventions pour la pêche remonte dans les statistiques 2018 présen- tées par le directeur général à la dernière assemblée générale des Sauveteurs en Mer (voir tableau).
Le taux d’accidents mortels à la pêche en France reste glaçant quand on le compare à celui du bâti- ment et des travaux publics, professions pourtant réputées dangereuses. Il était 8,7 fois supérieur en 2017. Le président de l’IMP, Philippe Castel, traduit à sa manière la statistique sur le nombre d’accidents avec arrêt de travail : si on en reste au niveau actuel, un pêcheur serait menacé d’un accident tous les dix ans pendant sa vie professionnelle!
Les interventions de la SNSM pour porter assistance aux pêcheurs sont en augmentation de 30%. Source : SNSM – Assemblée générale 2019.
LES MENTALITÉS ÉVOLUENT... LENTEMENT
Pourtant le monde a bien changé. On n’apprend plus le métier en embarquant tout gamin comme mousse. Plus question de travailler à bord sans une formation, même comme simple matelot. La formation, ce n’est pas seulement de la technique. C’est une relation humaine avec un formateur qui vous a convaincu de faire attention à votre sécurité. On le voit bien à la journée de prévention de l’IMP, quand certains jeunes marins ou patrons retrouvent leur ancien professeur. La réglementation, déjà stricte, le devient de plus en plus. Celle qui concerne le port d’un vêtement à flottabilité intégrée (VFI), un gilet à gonflage automa- tique le plus souvent, sera encore renforcée à partir du 1er janvier 2020.
Les mentalités ont évolué. André Le Berre, ancien patron pêcheur, ancien président du comité des pêches de Bretagne, vice-président de la SNSM, en témoigne régulièrement. Mais ont-elles assez évo- lué ? Quand, un après-midi de marée basse, portes du bassin fermées, saison de la coquille Saint-Jacques terminée, l’IMP organise, dans le bassin de pêche de Port-en-Bessin, et avec l’aide de la SNSM locale, une démonstration d’équipements pour récupérer un marin tombé à la mer, les équipages et les patrons des bateaux restés au port ont le temps de s’y inté- resser. En fait, l’événement a droit à quelques coups d’œil en biais des marins continuant à bricoler sur leur bateau ou discutant sur le quai en face. Pas plus. La sécurité « c’est difficile à faire entrer dans les têtes », comme dit Alain Dervout, patron adjoint de la station de Trévignon quand il est en congé, commandant un énorme thonier océanique de 90 mètres dans l’océan Indien quand il travaille. Il faut y revenir souvent.
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