Page 18 - EXTRAIT ANACALYPSE
P. 18
faire battre votre cœur un peu plus vite que la normale. Cela
pouvait tout aussi bien durer de longues secondes, de celles
durant lesquelles le temps s’étire et laisse place à ces forces
destructrices que dans votre naïveté d’homme de la ville, vous
pensiez mortes ou endormies à jamais, bien loin de vous.
Encore une fois, elle avait été réveillée juste à temps, le
temps de sortir, de ne pas avoir la menace d’un toit au-dessus
de la tête lorsque la terre avait tremblé. Le tremblement de terre
fut violent mais bref ; ce n’était qu’une des multiples répliques
du Grand Séisme. Depuis ce jour, et comme nombre d’autres
survivants, Terry s’était découvert cette capacité à anticiper
de quelques secondes la prochaine colère chtonienne. Dans
la rue, les alarmes des rares véhicules stationnés le long des
trottoirs se déclenchèrent sous les coups qui venaient du sol.
Terry entendit, quelques rues derrière elle, le fracas d’un mur
qui s’effondrait. Des cris. Au pied des bâtiments, des habitants
effrayés qui sortaient, cheveux ébouriffés et yeux gonflés de
sommeil. La routine d’une nuit à Athènes.
Emmitouflée dans son manteau, Terry avisa sous le porche
de l’immeuble d’en face Anastasia, une jolie trentenaire brune,
élancée. Terry et elle s’étaient connues la nuit de Pâques qui
avait suivi le Grand Séisme. Comme un pied de nez à la
divinité qui avait ravagé leur monde, les Athéniens avaient une
nouvelle fois célébré la renaissance du Christ dans les rares
églises qui tenaient encore debout ; et sur la place centrale
de chaque quartier, ils avaient allumé ensemble les cierges
destinés à bénir leurs foyers, et partagé les traditionnels œufs
rouges. Pour oublier la peur des répliques et chasser le froid
de cette nuit d’avril, chacun y était allé de sa méthode : on
avait beaucoup bavardé en buvant les bouteilles sauvées de
la catastrophe, certains avaient dansé au rythme des mains et
des instruments de fortune. Installée en retrait sur le toit plat
d’une petite maison coincée entre deux immeubles, Terry avait
dessiné la scène à la lumière d’une lampe tempête. Anastasia
18