Page 30 - EXTRAIT ANACALYPSE
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Goguenard, un brin égrillard, le premier agent avait ricané
lorsqu’elle lui avait raconté comment Kostas l’avait giflée pour
la contraindre à entrer plus vite chez elle, et au lieu de prendre
sa déposition avait déclaré : « Bah, puisqu’il était pressé d’être
seul avec vous… ».
La fatigue l’emporta enfin, et Anastasia sombra dans
un sommeil agité, entrecoupé de cauchemars. Sa dernière
pensée fut un regret : si elle avait gardé le silence, si elle avait
fait comme si de rien n’était, si elle n’avait pas écouté les
commentaires dégradants des policiers, peut-être qu’elle ne se
serait pas sentie si coupable de n’avoir pas pu éviter les coups ?
***
Document annexe : déposition d’Anastasia
« Nous nous sommes rencontrés dans les couloirs de l’ELLASUN.
Au début, tout allait bien. Quand je l’ai connu, il se montrait charmant,
m’emmenait à des concerts, nous organisait des week-ends ensemble. Il
plaisantait beaucoup, c’était vraiment très agréable, comme des oasis de
joie. Et puis l’anacalypse est arrivée. Même moi, j’en ai pris, juste après
le Grand Séisme, une fois. C’était ça ou mourir de terreur. Dans l’hu-
manitaire, nous avons tous des moments de déprime, et quand ça devient
trop difficile et qu’on n’a plus la force d’aider ceux pour qui on travaille,
il faut trouver un moyen de lever la tête.
(…)
Depuis des semaines, il déverse sa rage sur moi. La première fois,
c’était au début de l’été, vers la fin juin. Nous avions pris l’habitude
de nous retrouver en ville pour dîner dans une petite taverne avant de
rentrer chacun chez soi. Ce soir-là, il était nerveux, il avait un problème
de remplissage pour un de ses chargements à destination de la France. À
ce moment-là, il y a eu une secousse sismique, et le patron du restaurant
nous a tous évacués. Nous sommes partis chez moi ; et là, dans le couloir,
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