Page 21 - Islenska
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trapus se baladaient, se nommaient Dimmubor- gir. Je n’avais donc pas rêvé les trolls. J’en fus à la fois soulagée et terrifiée. Sa voix était fière de présenter ces lieux insaisissables mais, derrière cela, elle communiquait une certaine nostalgie, de la tristesse. Son attitude changeait peu à peu. Le ton fier laissa place à de l’amertume. Il étrangla avec virulence un sanglot, prit un ins- tant pour se reprendre et m’informa que je serai très sûrement le dernier témoin de ce spectacle. Cette idée me perturba et me scandalisa. Que voulait-il dire ? Un volcan allait-t-il bientôt se réveiller pour tout ravager ? Sentait-il venir un tremblement de terre destructeur ou une séche- resse inévitable ? À son allure, je pressentis un malheur bien plus grave. Des larmes pointaient à ses yeux. Il ne parvenait plus à dire un mot.
Il me regarda et tendit ses petites mains implo- rantes vers moi. Pour le soutenir, je les pris dans les miennes. À la seconde même où nos mains se touchèrent, je fus violemment basculée en arrière dans un fou tourbillon d’images. Un coup de feu claque. Du sang chaud s’écoule entre les brins d’une herbe verte. Un ours blanc a le re- gard vitreux, puis éteint. Une lourde roue écrase une fleur. Un baleineau perdu dans l’océan, sa mère, le ventre déchiré par un harpon, agoni- sant sur le pont d’un bateau. Une usine assèche un lac. Un prêtre tue un renard. Une scie dé- cime une forêt. Des humains défigurent la terre. Les images se succédaient dans ma tête dans un déluge inarrêtable. Un grondement lourd et sourd enfla dans mes oreilles. Une odeur âcre pénétra mes poumons. L’asphyxie gagna sur mon esprit. Je suffoquais. Ma langue se sécha

































































































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