Page 22 - Islenska
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et ramollit. La peau de mon corps commença à décrépir. Une violente lumière m’aveugla. Le sang de mes veines bouillonnait. Un volcan érupta, tout implosa. Une main invisible assé- na un coup dans mon dos. Je tombais à terre. Elle était rouge sang. Elle était rouge de mon sang. J’étais en panique, en sueur, à plat ventre contre cette terre vermeil, contemplant avec horreur le sang bouillant de mes veines vidées. C’est alors que je vis d’autres filets rouges vifs courir vers moi. Dans une seconde, j’allais com- munier avec les autres victimes de ce sacrifice inutile. Mon sang se mêla à celui de la maman baleine déchiquetée sur un pont de bateau, qui se mêla au sang rouge de l’ours blanc dégouli- nant dans l’herbe verte, qui se mêla au sang du renard emmitouflé sur un pan de neige blanche et craquante. Les sangs de ces vies prises trop tôt se confondirent pour ne devenir qu’un et se mirent à noircir, noircir et noircir encore. Des bulles se formaient et éclataient à la surface. Notre sang sacrifié bouillonnait dans une flaque noire. C’est à ce moment-là que je m’évanouis. Mon arrière-petit-fils n’en croit pas ses oreilles. Il est subjugué. À peine a-t-il bougé une jambe endormie. Il ne veut rater aucun détail.
- « Continue Mémé ! Pourquoi tu t’arrêtes ? »
Je lui réponds qu’il est tard, qu’il doit se cou- cher. Il nie. J’insiste. Son air renfrogné cache une nouvelle objection. Elle ne tarde.
- « Je ne pourrai jamais m’endormir si tu finis sur le baleineau perdu et le renard mort dans la neige. Tu imagines les cauchemars que je vais