Page 81 - Islenska
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laissais aller à la densité de ce pays. À sa beauté. L’ouragan interne du volcan profita de l’occasion pour se saisir du parchemin. Il l’arracha de mes mains. Le vent en prit aussitôt possession. Le vélin virevolta, s’envola, disparut dans la brume épaisse, réapparut comme pour me narguer de ne pouvoir le récupérer et se confondit finale- ment avec la tempête blanche. Le papier vieux de plusieurs siècles s’écrasa dans un ralenti ful- gurant. Puis un à un, les vers du poème remon- tèrent à la surface, mus par une force invisible. Ils s’étaient détachaient du parchemin. Les mots s’étranglèrent, chaque lettre prenait son indépendance, volait au gré de leurs envies, se mêlait, se dégageait, revenait, repartait. Elles rapetissaient, grossissaient, s’amplifiaient ou disparaissaient. Mais elles étaient clairement visibles dans cette tornade de neige poudrée. Elles devinrent des mobiles suspendus aux portes du volcan. Dans un dernier tourbillon et une danse insensée, elles s’unirent une à une, conjointement. Dans un final grandiose, elles se collèrent aux parois du volcan. À cet instant, les mots d’Egill le scalde contés par Tyrfingur me revinrent en tête.
« Se tenait là à mon côté »
Je touchais l’amulette à mon cou. Comparé à la tempête au dehors, je la trouvais plutôt tran- quille, elle ne remuait qu’imperceptiblement. Dans un geste rageur, j’arrachai Thor de mon cou, manquant de réouvrir la cicatrice de ma nuque. Je voulais la jeter dans le volcan, ne plus avoir la responsabilité qui m’incombait. Je la re- gardais une dernière fois avant de trahir tous