Page 27 - Lux in Nocte 13
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à moi pour évaluer l’avancée du chemin, pour rêver un instant devant la nature ou
simplement à l’amorce d’un paragraphe, faire miennes les aventures de mes héros.
Les chuchotements, les enfants qui crient, le crissement des emballages, tout cet
univers qui m’accompagne joue sa participation criarde et feutrée, sans effet sur mon
isolement. Je suis là comme d’habitude, je suis dans une parenthèse comparable à
celle qui vous attrape lors d’un spectacle ou d’un concert. Je suis dans le no-man’s
land du trajet. Entre départ et arrivée, entre réalité et sommeil… évasion !
G. de Chirico – La nostalgie de l’infini
Voix n°2
Encore un paysage qui défile derrière les vitres du train. Cette atmosphère
aujourd’hui en rappelle une autre., Les champs sont rasés, la terre a vieilli, l’ocre
devient gris, les petits bois sont devenus chauves, même le maïs est rachitique. Je
retrouve ainsi le trajet de 1976 dans ce nouveau voyage. Retour dans la mi-été de
l’année de sécheresse, période spectaculaire car nouvelle, si incongrue dans l’époque
qu’elle a engendré un impôt. Ce paysage d’août fait écho à cet été oublié. Le trajet en
train… aujourd’hui, repeint le même paysage. La mémoire fait mal, le souvenir brûle,
la pensée à fleur de peau est insoutenable. J’ai envie de crier pour sortir de cette
nostalgie, cette mélancolie qui ne me quitte plus. Bientôt la folie. Je suis vieille et
seule, personne ne partage mes vertes années. Personne n’évoque avec moi les temps
doucereux de la jeunesse. Les arbres le long de la voie se dessèchent, ils pleurent leurs
feuilles qui s’enroulent autour de leurs tiges. Désolation de sécheresse, tristesse de la
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