Page 28 - Lux in Nocte 13
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nature qui vieillit et se fige. Les arbres meurent de soleil et s’étiolent doucement sans
bruit, seulement le murmure des feuilles sèches qui craquellent et des troncs écartelés.
On arrive à Mantes, je reconnais les immeubles, je guette les façades et les enseignes
habituelles. J’ai dépassé l’église et le train qui a ralenti m’apaise. Je n’ai pas vu l’hôtel,
mais il est si présent que je le sais. J’ai fait halte dans une partie de mon passé. Partir
pour revenir. Partir pour continuer sa vie et revenir pour en aspirer les amertumes.
La vue s’en va.
Et puis cette arrivée à destination, les mauvaises herbes qui poussent entre les rails,
qui se sont infiltrées dans le bitume du quai. Encore une vision de désolation, de fin
du monde, de fin de vie. Année de sécheresse ou année d’apocalypse ? Carte postale
usée, délaissée, oubliée aux rayons de la lune, à l’érosion du temps.
Ecrire pour ne pas oublier, pour se raconter ce dont on est seul propriétaire, les
souvenirs, les instants du passé, les mots des autres, les gestes et les regards qui
façonnent un destin. Je divague.
C. Monet – Gare Saint-Lazare
Voix n° 3
Encore cette gare, encore une fois, encore un départ ou un retour. Le train qui rythme
mes voyages est aussi le fil tendu de mon existence. Je ne peux deviner quelle sera la
destination finale, celle qui clôt une vie. Cela m’ennuie de ne pas savoir. Sur ma pierre
tombale, sera-ce Paris ou Deauville ? Peut-être une inscription plus originale. Mon
dernier voyage, je voudrais qu’il commence sous les voûtes d’une gare et s’achève
dans la brume des fumées.
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