Page 24 - Lux in Nocte 14
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Mozart et Moussorgski
Que serait ce panthéon des compositeurs illustres si le grand
Wolfgang Amadeus Mozart n’y figurait pas ? Vivant dans la
dominante bleue du pétale suivant, un homme-oiseau
imposant, dont le souffle qui gonfle ses joues pour
s’infiltrer dans une flûte eut vraisemblablement parcouru
tout son corps, déploie majestueusement ses ailes dans une
frappante couleur rouge.
Ici, c’est bien La Flûte enchantée que Chagall eut la volonté de
figurer, opéra cher à ses yeux pour lequel il avait réalisé des
costumes en février 1967 au Metropolitan Opera de New
York. Enfin, la figuration d’un tsar sur son trône muni des insignes du pouvoir en bas de la
composition, derrière lequel se déploie la ville de Moscou dans une dominante de vert, évoque sans
aucun doute Boris Godounov, un opéra de Modeste Moussorgski sur un livret russe du compositeur,
basé sur le drame du même nom d’Alexandre Pouchkine et sur l’Histoire de l'État russe de Karamzine.
Tchaïkovski et Adam
La fleur grandiose qui se déploie au plafond de
l’Opéra Garnier peut se poursuivre par l’étude du
pétale jaune, dans lequel Chagall fit honneur au drame
et à la danse, évoquant par de traits minutieux deux
célèbres ballets classiques. Ainsi, il incarne par une
gracieuse femme-cygne en bas de la composition dans
de subtiles nuances de bleu brandissant un bouquet de
fleurs, le mythique Lac des Cygnes de Tchaïkovski. Il
s’agit d’un nouveau rappel de la personnalité artistique
de Chagall, avec un motif fréquemment employé dans
ses précédentes compositions. Au-dessus d’elle,
sous une lune blanche, danse une multitude de
ballerines, citation certaine concernant Giselle, ballet
romantique d’Adolphe Adam.
Ravel et Stravinsky
Le dernier pétale peut conclure le cheminement de
l’artiste par le métissage de ses deux cultures, russe et
française. Chagall se représenta lui-même à côté d’une
imposante Tour Eiffel, à l’intérieur de laquelle figure
discrètement le portrait de son épouse Valentina. Il fait
aussi référence à ses travaux antérieurs, notamment par
l’ajout du ballet de Stravinsky, L’Oiseau de feu donné à
New-York en 1945 pour lequel il avait réalisé les costumes
et les décors. Il reprit également des éléments de son
précédent décor pour Daphnis et Chloé de Ravel donné à
Paris en 1958, spectacle marqué par une créature
bicéphale et le dieu Pan muni de sa flûte.
Notons que le paysage dans lequel s’inscrivent ces deux
opéras s’apparente à celui que le peintre aurait pu voir pendant ses voyages en Grèce, en 1952 et 1954.
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