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L’Opéra Garnier : le plafond du scandale




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              Marc Chagall et l’univers lyrique

              Si la question de la pratique musicale de Marc Chagall fait encore débat du fait de son intérêt personnel
              pour le chant, sa passion pour la musique se démarque clairement dans ses compositions picturales.
              De nombreux violons, des musiciens, mais aussi des opéras et des ballets naissent sous le pinceau du
              peintre russe aboutissant à des chefs-d’œuvre aussi colorés que savants.

              Il est important de souligner que cette irrépressible attirance pour le monde lyrique peut trouver ses
              origines dès son enfance. Né le 7 juillet 1887 à Liozna dans la banlieue de Vitebsk, Marc Chagall -
              nom de naissance Moïche Zakharovitch Chagalov - grandit dans une famille profondément attachée
              aux valeurs de la communauté juive hassadique, insistant sur une communion joyeuse avec Dieu à
              travers le chant et la danse. Son attirance pour la peinture, qui rappelons-le n’appartenait pas à la
              tradition juive, l’a conduit à suivre plusieurs formations dès ses 16 ans.

              Il a fréquenté les ateliers de Iouri Pen, Nicolas Roerich et Léon Bakst,
              peintres  russes  connus  pour  leurs  tendances    vers  la  décoration.
              Habile de son pinceau et amoureux de la couleur, son village natal se
              retrouva  fréquemment  au  cœur  de  ses  toiles  dès  1910.  Il  fut
              représenté  sublimé  de  ses  souvenirs  de  cérémonies  religieuses,
              d’orchestres populaires qu’il admirait tant, de musiciens de rues qui
              le charmaient par de virtuoses notes  au violon, à la flûte ou à la
              mandoline.


                                    Marc Chagall, Le Violoniste, 1912-1913, huile sur toile
                            188 cm x 158 cm, Stedelijk Museum, Amsterdam, Netherlands

              Il concrétisa sa volonté d’une approche picturale intimement liée à la musique en collaborant avec des
              ballets et des opéras, entouré de danseurs et de musiciens russes et français, à Saint-Pétersbourg ou à
              Paris. On remarque ainsi dans sa production le concept d’un art total, dans la réalisation notamment
              des décors du Théâtre Juif de Moscou en 1920, le premier théâtre au monde consacré exclusivement
              au répertoire yiddish. Les décors sont actuellement conservés à la Galerie Tretiakov. Cet ensemble,
              intégrant  de  manière  relativement  savante  par  la  peinture :  la  musique,  la  danse,  le  théâtre  et  la
              littérature, apparenté à un fonds universel vise la  promotion de la culture yiddish à travers le spectacle
              populaire, le rythme, le son et la couleur.

              Si Marc Chagall fut d’abord attiré par la peinture comme moyen d’expression, il s’essaya à la sculpture,
              à la céramique et à la gravure, qui lui permettait de créer en produisant aussi du son : il griffait, il
              grattait, il frottait la matière dans une démarche sonore de son travail.

              Son intérêt pour la musique russe l’impliqua à plusieurs reprises dans la confection de costumes pour
              la représentation d’Aleko à Mexico en 1942, opéra en un acte de Sergueï Rachmaninov, ainsi que pour
              la représentation de L’Oiseau de feu en 1945 à New-York, ballet en deux tableaux d’après un conte russe,
              composé par Igor Stravinski.





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