Page 32 - Lux in Nocte 17
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Inexplicable nostalgie




                                                                                    Julia Henriette Kakucs

               Octobre…
               Un mois plein de couleurs et de surprises, un an avant la pandémie qui a changé nos habitudes,
               rétréci nos perspectives… Perspectives ?
               Dieu, que dis-je ?
               Pourquoi changer de regard sur un phénomène, une maladie qui ne s'est certainement propagée
               que temporairement avec la même virulence que les autres épidémies qui ont hanté au fil des
               siècles    l'ensemble  de  notre  planète  ?  Oh,  non,  pas  le  globe entier.  J'ai  lu  récemment  dans  la
               presse quotidienne la liste des pays où il n'y a pas de cas de Corona. La plupart sont des îles du
               Pacifique, mais la Corée du Nord est aussi répertoriée… Maintenant je fais une pause, je ne vous
               dis rien pour vous laisser digérer cette surprise. Etonnés ? Probablement pas…
               Mais la véritable surprise a été la magnifique exposition que j'ai visitée dans l'un de mes musées
               préférés. Asseyez-vous à côté de moi, prenez une orange et pendant que vous la pelez, écoutez-
               moi dans son arôme et ses couleurs … et peut-être… si vous vous asseyez plus près de moi, dans
               mon parfum.
               Nous allons remonter le temps ensemble pour nous retrouver dans un jour passé. Oui, le passé
               vit en moi comme si c'était aujourd'hui. Fermez les yeux pour mieux voir. Ne souriez pas, c'est
               juste une contradiction.
               Écoutez,  je  me  suis  transformée  en  oignon.  C'est  juste  qu'autour  de  moi  je  répands  un  léger
               parfum exotique, et non pas les éthers exhalés par la pelure arrachée qui me font toujours pleurer.
               Je  me  demande  si,  au-dessus  de  tant  de  couches  de  chemises,  de  t-shirts  et  d'autres  parures
               vestimentaires, je serai capable de mettre mon manteau et de trouver le moyen idéal pour intégrer
               ma garde-robe dans les salles bondées du musée. Les températures ont chuté brutalement. Les
               flocons de neige imitent les papillons blancs des choux des jardins, et le vent inquiétant souffle
               sans relâche, à la recherche d’une direction. Je m’empresse vers la gare et le métro. En apercevant
               l'horloge  sur  le  quai,  mes  pas  s'allongent  imperceptiblement.  Dans  quelques  minutes  le  train
               arrivera en pouffant légèrement. Il entrera dans la gare où je me cachait du froid dans une cage
               d'escalier, comme  dans  une gorge de dragon. Oui,  l'hiver est arrivé alors  que personne ne s'y
               attendait  comme  un  petit  ami  capricieux,  qui  n'arrive  pas  à  l'heure  convenue,  mais  arrive  à
               l'improviste et surprend son amie avec un câlin inattendu. En effet, le vent, apparemment froid et
               dépourvu de passion, la cherche furieusement, en emportant des écharpes, des chapeaux et des
               bérets bariolés, en remplaçant la bonne humeur par de l’irritation et de l’énervement. Mais étant
               impuissants face à la nature déchaînée...
               Il y a quelques jours j'étais étonnée du pronostic des corbeaux, qui avaient refusé de quitter nos
               terres, attendant ici ou là, dans des pays voisins l'arrivée du printemps, maintenant, inquiète,  je
               me demande qui va les sauver.

               Les lacs gèlent – pareils aux passions oubliées au crépuscule - annulant du jour au lendemain, tout
               tremblement de leur surface argentée et jadis mouvante. Les rêves passent, les saisons passent et
               la vie les accompagne…Mais enfin il est arrivé et à deux, vous avez remarqué, il fait moins froid.

               Une  ancienne  pensée  nous  a  conduit  aux  œuvres  du  peintre  Justus  Junker,  le  « Dialog  der
               Meisterwerke », qui nous attend au Städel Museum.







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