Page 21 - Bouffe volume 3 - Surgelée
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chez Pêches et Océans Canada qui me recommanda de ne pas ébruiter trop vite la nouvelle. Seul journal autorisé à en parler? Le Devoir, un prestigieux quotidien au faible tirage, mais très lu dans les milieux politiques québécois.
le recrutement de mon équipe
Permis en main, il me fallait maintenant organiser une véritable saison de chasse. J’avais besoin de partenaires, de bateaux, de guides, et surtout d’un territoire de chasse bien déini, car notre petit archipel regroupe une multitude d’usagers — allant des pêcheurs professionnels aux chas- seurs sportifs de sauvagine en passant par les amateurs de voile. Le choix évident était Grande-Entrée, où la tradition de la chasse au phoque est encore très vivante et où habite mon ami, le capitaine Antoine Poirier, ancien président de l’Association des chasseurs de phoque, pêcheur de homard depuis des lustres et propriétaire du Karaboudjan, le plus beau bateau de pêche des Îles.
Antoine saurait comment bien accueillir des chasseurs puisqu’il avait proposé, pendant des années, une expérience de pêche sportive au requin aux visiteurs qui venaient pas- ser leurs vacances aux Îles. Avec deux de ses amis, Régis Éloquin et Jean-Claude Boudreau, il constituait le noyau de base de mon équipe. La chasse se ferait en bateau, sur la lagune de Grande-Entrée, à la même période que la chasse au gros gibier — soit de septembre à in décembre — suivie, si l’état des glaces le permettait, d’une chasse en janvier, à l’arrivée des phoques mâles du Grœnland.
Le téléphone s’est mis à sonner dès la parution de la nouvelle dans Le Devoir. Un chasseur de la Montérégie, Paul Doyon, qui chasse depuis plus de trente ans, avait toujours rêvé de chasser le phoque. Sa conjointe lui ofrait le voyage comme cadeau d’anniversaire. Ce serait un premier voyage aux Îles pour le couple. Leurs attentes étaient donc très éle- vées. Ils comptaient arriver aux Îles le 23 octobre, avec leur roulotte, sur le traversier de la C.T.M.A. Nous tenions notre premier chasseur !
Tout augurait bien, car l’automne est généralement ma- gniique aux Îles. Les grandes marées sont derrière nous et nous pouvons compter sur des conditions idéales. Notre joie était quand même mêlée de beaucoup de nervosité. Déjà in septembre, le temps pressait. Il fallait surveiller la météo, le déplacement du troupeau de phoques et élaborer divers scénarios. Que faire si notre chasseur est incapable d’abattre une bête malgré son expérience? Grand ménage à bord du bateau, révision des règlements, revue des mesures de sé- curité, réunions de dernière minute, vériication de l’heure des marées. jusqu’à la veille de l’arrivée des Doyon, où nous apprenons que notre capitaine Antoine, victime d’un malaise cardiaque, vient d’être transporté d’urgence à Qué- bec. Après de rapides négociations avec Pêches et Océans qui avait déjà avalisé notre choix d’équipage, ce sera Luc, le jeune frère de Régis, propriétaire du R-Luc et lui-même pêcheur de homard, qui prendrait la barre du Karaboudjan.
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