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Dans le grand livre du Vivant, il est dit que le jour où
l’homme s’est inventé maître et possesseur de la nature,
il a fait de son espèce la plus terrible des frontières pour
l’abeille mourante de faim sur des parterres de biodiversité
saccagée aux pesticides ; pour le lion en voie de disparition
sur fond de déforestation de la savane ; pour l’éléphant
massacré au profit de l’or blanc, chassé de nos savanes
sauvages ; pour le cétacé victime des pêches industrielles,
affamé et intoxiqué aux produits chimiques cancérigènes.
Merci Déesse Baiji
Tu nous as avertis du malheur
Nous nous souviendrons toujours de tes faveurs, poème de
la dynastie song,
Et pourtant, la déesse Baiji, dauphin du Yangtsé, n’est plus.
L’homme l’a éradiquée de ses frontières polluantes après
20 millions d’années sur terre.
Les mots du poète ont sombré dans l’oubli, emportant
avec eux la vie.
Ces frontières-là sont bien cruelles et assassinent pour des
réalités virtuelles, des lignes imaginaires qui engloutissent
le Vivant.
Un Vivant auquel le monde des hommes n’échappe pas,
des hommes condamnés à la souffrance et à la mort
pour voyager sur des lignes dessinées, pour tenter de les
contourner, de vivre hors des limites, libérés.
Libérés de ce qui n’est pas le vivant, mais la folie d’autres
hommes prêts à tuer pour des lignes imaginaires inachevées
érigées en murs, en prisons, en centres de détention, le
temps d’une incarnation civilisatrice.
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