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CONTAMINÉ
Tu as toujours été saugrenue comme de la moutarde avec du
camembert. Je crayonne pour la énième fois ton portrait,
portrait robot de notre inconvenance. On se regarde de loin,
parfois de près entre deux tables au café « Les Gazouillis » et
puis… se traînent les doutes, les hésitations, les fausses
déclarations sur la scène virtuelle de notre vie…
Je voudrais aujourd’hui t’offrir ce cadeau portrait bustier en
noir et blanc crayonné au Faber mais je reste sous perfusion de
mon cinéma d’une mise en scène d’égoïste, et producteur
talentueux de rien et c’est ma punition.
J’ai de l’amour en germe pour une épidémie mais es-tu
porteuse ? J’ai cette envie de trancher le cordon de ma vie de
célibataire et unir le salé en sucré de notre devenir.
Je viens de casser la mine de mon crayon 3B sur la pointe rose
de ton volume 95C… Est-ce un signe ? Quel genre ? Bon ou
mauvais ? Un énervement de la situation…
J’ai le crayonné facile comme la gâchette, mais là, d’un geste
presque d’impuissance en cette violence souterraine qui éclate
en plein jour, toute bête, je souhaite te quitter définitivement,
sans un regard de trop, sans un regard de rétine désir, sans un
regard d’un revenir possible, sans un regard de stoïcisme…
Je déchire, écorche, fends, lacère, le format A4, le possible
sésame, je prends une grande enveloppe, et verse ce
grammage de papier cendre à l’intérieur.
Et puis d’un mouvement irresponsable, je me lève, me dirige
vers toi, la table à dix pas de là, et dépose sans ménagement
l’enveloppe. Tu me regardes. Je baisse les yeux. Tu te lèves en
poussant bruyamment ta chaise. Tu viens vers moi :
— Tu es mon chien fidèle… tu es à moi… complètement, me
dit-elle et m’embrasse fougueusement…