Page 15 - AL RAPPORT 2019 - extrait

INTRODUCTION
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Faut-il trouver une solution aux déserts d’embauche, au manque de temps pour acquérir une spécialisation, au gaspillage des moyens pour rationaliser l’organisation de l’office? Tous les réseaux sont bons pour faire à plusieurs ce qu’on ne peut plus faire tout seul.
02 - L’éternel notarial
L’idéal est derrière nous. La réalité professionnelle est devenue telle qu’on ne reconnaît plus l’idéal notarial défini peu de temps après que Jean-Jacques Rousseau décrivit l’Homme comme un bon sauvage7 ; un état de bonheur humain originel, perverti tout à coup par l’appropriation égoïste des moyens de subsistance. Ne reconnait-on pas dans ce bon sauvage mythique, le bon notaire de la loi de Ventôse ? Sympathique et bonhomme, pétri de loyauté et de vertu, habillé en des termes choisis que le Conseiller Réal grava dans le marbre. Ne reconnait-on pas aussi, en ce même notaire immergé dans le XXIe siècle, une certaine perversion de l’idéal de départ alors que - tel Pakhomm8 à qui fut laissé tout le territoire qu’il voudrait pourvu qu’il en fasse le tour en une journée - il meurt par excès d’ambition à vouloir entasser au-delà de ses capacités égoïstes?
216 ans après qu’elle fut posée, la définition individuelle du notaire et sa régulation centrée sur l’office cellulaire, semblent à bout de souffle. Comment résister à la pression d’un univers social dont les dimensions sont bouleversées tout en restant embastillé dans une posture que les contraintes du monde nouveau rendent inadaptée à son temps? Le tsunami des mutations touchant le transport de l’information et sa numérisation, la greffe de l’intelligence artificielle à la place de la réflexion, le rapport à un État nourricier qui maintient le cordon ombilical faute de mamelles généreuses, la mobilité d’un personnel tout acquis aux mirages du mercato, la course à l’armement technologique que des marchands avides se défendent tous d’organiser, le bouleversement incessant des règles de fonctionnement, l’écartèlement du spectre économique entre les offices, la fracture morale entre des notaires que seule l’unité de vocable définissant leur métier unit encore... Tout ce qui fait l’écosystème notarial montre que ce modèle idéal reposant sur une définition vieille de deux siècles est impropre à définir l’avenir des notaires.
Et si l’on pratiquait une dissection du notariat ? En ôtant au scalpel tout ce qu’on trouve d’intéressant certes mais non essentiel dans le corps notarial, que reste-t-il à la fin ? Qu’est-ce qui fait que le Pouvoir ou les citoyens ont un penchant naturel à recourir à nos services, soit pour nous charger de missions publiques, soit pour nous confier des secrets privés ? Le notariat apparaît comme une sorte de père-tranquille, celui dont on sait qu’on peut compter sur lui en termes de permanence, d’ubiquité, d’empathie et
7 - Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Genève, 1755. 8 - Léon Tolstoï, Ce qu’il faut de terre à l’homme, 1866.