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Réjouissons-nous toutefois. C’est parce que
nos économies sont interdépendantes sur le
plan économique et que la crise sanitaire n’a
épargné aucune d’entre elles que nous ne
devrions pas connaître, même au plus fort de
la crise économique qui se profile, une
récession aussi forte qu’elle n’aurait pu l’être.
En effet, l’ensemble des Etats et des Banques
Centrales ont décidé, dans des temps record,
des injections massives de liquidités pour
soutenir l’économie, en s’affranchissant
d’ailleurs de tous les dogmes de maîtrise des
déficits publics qui ont guidé leurs politiques
ces dernières années. Certes, des asymétries
existeront, et certains Etats étant plus
durement touchés que d’autres manipuleront
le levier budgétaire avec moins de parcimonie.
Mais dans l’ensemble, à la sortie de la crise
sanitaire, les grandes économies de ce Monde
se seront davantage endettées… auprès d’elles
-mêmes, de leurs populations, et
d’investisseurs étrangers. Et le bilan de la
plupart des Banques Centrales sera
hypertrophié.
Il est d’ailleurs possible de retrouver ce
pragmatisme dans les choix politiques opérés
depuis le début de la crise. Pour ne prendre
Cette profonde symétrie et synchronicité de que le cas français, au plan de soutien d’Air
l’endettement a toutes les chances de faire France (9 Md€) s’est ajouté un plan de 10 Md€
naître une solidarité existentielle, en cela que dont bénéficiera l’ensemble de la filière
les grands acteurs de l’économie mondiale aéronautique. Ce sont également plus de 8
n’auront aucun intérêt qu’un de leurs Md€ et de 18 Md€ qui vont être
partenaires institutionnels et commerciaux respectivement injectés dans les industries
fasse défaut et s’enfonce trop profondément automobile et touristique, notamment pour
dans la crise. Dans un tel contexte, qui mener à bien des projets antérieurs (tels que
prendrait le risque de ne pas soutenir une le Futuroscope 2) parfois bien éloignés des
banque majeure en difficulté, quand on objectifs de tourisme durable. Il ne faut pas
connaît les effets de propagation mondiaux s’en étonner. En temps de crise, les
qui sont nés de la chute de Lehman Brothers gouvernements ont une propension marquée
en 2008 ? Prenons également le pari que les pour la préservation « quoi qu’il en coûte » de
grandes zones économiques et monétaires ne l’existant, car c’est celui qui limite les
devraient pas renouveler l’expérience de destructions d’emplois massives sur le court-
l’austérité budgétaire imposée avec la plus terme, et ce faisant, apaise l’électorat. Et tant
extrême des fermetés, quand on a vu ce qu’il pis si cela revient à préserver les rentes de
a coûté à la zone euro de pressuriser la Grèce situation plutôt que de préparer les
comme elle l’a fait. Le Monde est devenu too investissements d’avenir, notamment dans la
big to fail, car le décrochage trop brutal d’une transition écologique : l’appareil productif
économie majeure risquerait d’entraîner national est lui aussi too big to fail ! Osons
toutes les autres dans son sillage. alors une simple question : est-ce avec les
méthodes et acteurs d’hier que nous
pourrons bâtir le monde de demain ?
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