Page 11 - Echos 28
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Le Volcelest



                   Dans l'adolescence de ma vie de veneur, quand je tentais de comprendre les
            rudiments sous la férule de Charles Gillot ou de Pierre de Gasté, quand les chasses
            étaient appuyées par La Bruyère, on entendait assez peu parler du volcelest. Au
            rapport on entendait Charles dire avec toute la prudence requise : « Si j'en juge par le
            pied, il doit bien être dix-cors ». Quand on débuchait, et c'était plutôt rare, on
            cherchait le volcelest sur le bord des routes, dans les herbages ou, discrètement et à
            pied, dans les cultures. Parfois, en forêt, quand les chiens redressaient après un
            défaut, on essayait d'en revoir quand ils ne chassaient pas franchement ou quand un
            chien de change mettait bas.


                   Un jour, pour mon plus grand malheur, La Bruyère retrouva le lendemain d'une
            chasse où nous avions manqué le volcelest d'un cerf sur une coulée qui sortait du
            Buisson au chat et rentrait dans le Gravier. Douze heures avant, pendant qu'il
            travaillait le défaut, j'étais en observation et avais vu passer là une biche et son jeune.
            Les chiens arrivaient en miaulant, les jeunes devant. Un seul mot, prononcé à voix
            basse, avait suffi pour les arrêter. Selon La Bruyère, le pied trouvé était la preuve que
            le cerf était passé devant les deux autres animaux et que j'aurais du laisser chasser. Il
            s'en ouvrit à Hubert de Falandre sans m'en aviser. Le samedi suivant, le rapport avait

            lieu en Andaines et, terminant de donner ses consignes, Hubert eut ces mots cuisants
            que je n'ai jamais oubliés : « Et toi, Jean-François, tu essaieras de ne pas arrêter la
            bonne chasse aujourd'hui !».


                   C'est peut-être depuis ce jour que j'ai quelques préventions quant au volcelest !


                   Plus tard, sous le règne d'Amaury de Nanteuil, nos habitudes furent bousculées
            par l'arrivée d'un équipage qui en avait d'autres. Dès que nous étions en défaut, il y
            avait toujours un suiveur pour nous dire qu'il avait le volcelest et qui, pour emporter
            l'adhésion ajoutait :  «Il écarte, c'est bien lui ». Parfois c'était vrai et la chasse
            repartait mais j'ai trop de souvenirs de chiens enlevés du lieu du défaut alors que le
            travail y était à peine entamé et à qui on donnait un cerf qui n'était pas le leur pour
            penser que ce fût un progrès. A cette époque où la forêt était vive et où la plupart des
            défauts étaient produits par le change, il y avait des pieds partout, des animaux
            déplacés par la chasse dans toutes les enceintes traversées. Il aurait fallu une vraie
            expertise pour déceler là-dedans le pied de notre cerf.


                   Cette frénésie du volcelest devenait sans limite. Quand tout le monde voyait un
            cerf battre l'eau à l'étang de Radon et en ressortir par le côté du canal, j'en ai vu courir
            sur la digue pour affirmer ensuite doctement qu'ils avaient le volcelest (d'un cerf que
            tout le monde avait vu et dont la sortie était localisée au mètre près par cinquante
            paires d'yeux). Comment leur dire que leur agitation confinait au ridicule et qu'ils
            n'avaient fait que gêner le travail des chiens. Peut-être au rapport suivant, à la façon
            inimitable d'Hubert !
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