Page 11 - Les Contes de la lune
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Soudain, les ombres bougèrent. L’esprit se dressa d’un bond alors qu’une voix s’élevait des fourrés :
     – Non, n’ait crainte petite chose.















     Un renard apparut à pattes de velours, sa fourrure rousse brillant d’un éclat chaud. Une autre voix résonna dans



     un arbre :
     – Nous ne te voulons aucun mal.
     Perché sur une basse branche, un singe regardait l’esprit avec pitié. Une troisième voix ajouta :
     – Tu as l’air d’avoir des ennuis. Tout va bien ?
     Un lapin vint s’asseoir sur la pierre, ses yeux pleins de compassion.
     A ce moment là, l’estomac de l’esprit gronda à nouveau. Il murmura, fort embarrassé :
     – J’ai vraiment très faim…












     Les trois animaux s’entre-regardèrent puis acquièrent, d’un air résolu. Le lapin lui tapota affectueusement la


     jambe :
     – Ne t’inquiète pas, nous allons t’apporter de quoi manger.

















     Et avant que l’esprit n’aient pu ouvrir la bouche, la forêt les engloutit à nouveau. L’apparition divine eut un léger


     sourire et songea alors qu’il levait les yeux vers le ciel nocturne :
     – Quelle bonnes âmes. La terre n’est peut être pas un endroit si terrible après tout…





     Le singe fut le premier à revenir. Se balançant de branche en branche, il bondit gracieusement au pieds de













     l’esprit. Dans ses bras, l’animal malin tenait des fruits mûrs et juteux.
     – Ça va te requinquer tu verras !
















     L’esprit était fort touché par cette offrande sincère. Mais, avant qu’il est pu remercier le singe, le renard

     réapparut, tenant un poisson d’argent bien gras dans sa gueule.
     – Voilà de quoi manger à ta faim !
     L’esprit éclata de rire, le cœur rempli de joie
     – Vous êtes si bons avec moi ! Et quels chasseur et cueilleur talentueux vous faites !








     Sous les fourrés, le lapin se recroquevilla, plein de honte. Le pauvre n’avait pas eu autant de chances que ses
















     amis. Et il avait cherché partout mais sans succès. Et le voilà qui revenait pattes vides. Les oreilles tombantes, le















     petit animal se lamenta :
     – Je dois trouver quelque chose pour aider ce malheureux mendiant. Mais quoi ?
     Le lapin finit par rejoindre l’esprit et dit au singe et au renard :
     – Je ne suis pas encore tout à fait prêt. Pourriez vous allumer un feu ? Cette pauvre chose est transie jusqu’aux os.



     Ses compagnons ne se firent pas prier et bientôt, un bon feu craquait et dansait devant l’esprit qui y réchauffa vite






























     ses mains gelées. Le lapin soupira et se tint courageusement devant la flambée. Il s’inclina et dit, d’une voix






     tremblante :




     – Pardonne moi pauvre mendiant, mais je n’ai rien d’autre à t’offrir que moi même… Je- je vais donc sauter dans
















     ce feu… je serais vite cuit à point et tu pourras alors me manger.

















     Ses amis n’eurent pas le temps de réagir : fidèle à sa parole, le lapin bondit et disparut dans les flammes. L’esprit





     se dressa de toute sa taille, son rayonnement divine illuminant la scène dans un flash aveuglant :
     – Non, je n’ai jamais voulu cela !






















     Sur un geste de sa main, un vent froid comme la lumière de la lune se leva et souffla le feu. Niché dans les

     cendres, reposait le lapin qui respirait à peine.
     L’esprit divin prit doucement la pauvre créature dans ses bras :




















     – Une âme si noble et désintéressé ! Et voilà que par ma faute elle se meurt ! Tu ne mérites pas ce sort, tu



















     n’aurais jamais dû te faire du mal… L’esprit s’interrompit et regarda tendrement le lapin. Aimerais-tu te joindre à


     moi, là haut sur la lune ? Là bas tu vivras éternellement à mes côtés, mon bel ami.











     Le lapin acquiesça faiblement. L’esprit sourit, lumineux comme la pleine lune, alors que des voiles soyeux  les









     enveloppaient. Sous le regard émerveillé du singe et du renard,  une brise légère les souleva de terre et les















     entraînèrent haut, haut, haut dans le ciel nocturne. Et ils s’évanouirent dans les nuages.












     Encore aujourd’hui, si vous regardez avec attention la lune, vous distinguerez peut être la silhouette d’un lapin,




     seule preuve qu’un jour l’esprit de la lune vint sur terre et repartit avec un compagnon mortel.

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