Page 66 - Rebelle-Santé n° 218
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PATHOLOGIES
Dr Daniel Gloaguen
DES HALLUCINATIONS VISUELLES ?
ET S’IL S’AGISSAIT DU SYNDROME D’ALICE AU PAYS DES MERVEILLES ?
Comme son nom l’indique, le syndrome d’Alice au Pays des merveilles fait allusion au conte de Lewis Carroll, dans lequel la jeune héroïne est plongée dans un monde irréel. Dans cette pathologie, le malade souffre d’hallucinations visuelles multiples et d’une distorsion de la réalité.
Le corps ou les membres qui s’allongent ou qui se tordent comme vus à travers un miroir
déformant, l’impression d’être tout petit ou au contraire trop grand par rapport à l’environnement, la perception de voix intérieures, l’impression que les objets s’ani- ment ou encore une modification des proportions de l’espace ou du temps, qui s’accélère ou qui ralentit... ces symptômes, parmi d’autres, traduisent l’existence d’un syndrome d’Alice au Pays des mer- veilles*, connu aussi sous l’appel- lation de « syndrome de Todd », du nom du médecin anglais qui en fit la première description dans les années 1950. Il fait partie de la grande famille des troubles du schéma corporel dans laquelle on retrouve également le syndrome du membre fantôme (douleurs après amputation).
BÉNIN, MAIS...
En soi, ce syndrome n’est pas dan- gereux. Pour autant, lors d’une crise, les hallucinations visuelles peuvent avoir des conséquences importantes et provoquer la pa- nique, en particulier chez les enfants qui ne comprennent pas
ce qui leur arrive. Parfois, c’est la cause du trouble qui peut être grave.
PLUSIEURS CRISES PAR JOUR
La fréquence exacte des crises est difficile à évaluer. Selon une étude parue en mai 2019, 180 cas dans le monde s’avèrent particulièrement intenses. Mais la forme atténuée de la maladie, aux symptômes beau- coup moins spectaculaires donc, paraît beaucoup plus répandue et pourrait affecter près de 30 % de la population générale à un moment ouàunautredelavie!Plusfré- quent chez les enfants (entre 4 et 16 ans), ce syndrome peut affecter également les adultes. Une crise dure en général quelques minutes (3 en moyenne). Mais elle peut se répéterplusieursfoisparjour,d’où une angoisse d’attente pour les patients qui en souffrent. Enfin, cer- taines publications font état de cas familiaux.
DE LA MIGRAINE...
Il ne s’agit pas d’une maladie psy- chiatrique à part entière, plutôt d’un symptôme, ou d’un ensemble de symptômes, lié le plus souvent
à l’existence d’une migraine qui va altérer la perception de la réalité. La crise de migraine s’accompagne également de phénomènes d’aura, autrement dit la perception de ha- los lumineux et de scintillements. Lorsqu’elle survient, la vascularisa- tion veineuse se fait mal au niveau du cerveau (vasoconstriction), no- tamment dans les zones céré- brales de la vision, d’où l’appari- tion des auras et des hallucinations visuelles. Souffrir d’une migraine avec aura expose à la survenue éventuelle d’un syndrome d’Alice au Pays des merveilles.
... AU STRESS
Mais on peut souffrir aussi de cette pathologie sans avoir de migraine. Elle peut être liée à l’existence d’un stress ou d’un syndrome post-traumatique, ou apparaître au cours d’une dépression. Enfin, cer- taines psychoses peuvent égale- ment comporter des éléments hal- lucinatoires.
ORIGINE VIRALE PARFOIS
Le syndrome peut également surve- nir au décours d’une tumeur céré- brale (cavernome, glioblastome...),
*« Alice in Wonderland Syndrome » ou AIWS pour les Anglo-saxons.
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