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   l’École Du Breuil. J’adore accompagner les jeunes et leurs projets, transmettre aussi à un public plus amateur.
Aux jardins Rocambole, je propose une formation toute l’année à une soixantaine de jardiniers. C’est comme ça que j’ai rencontré le dessinateur Laurent Houssin qui était venu pour prendre des cours.
La BD se concentre sur le Potager et non sur l’ensemble des jardins Rocambole, pourquoi ?
La BD, c’est une idée de Laurent Houssin au départ. Déjà, quand il était venu suivre des cours il y a quatre ans, il prenait toutes ses notes en dessins. Moi, ça m’a tout de suite plu de traiter le sujet de manière décalée, avec du délire et de la poésie. Je ne voulais pas faire un manuel de jardinage, et même si certains passages sont assez techniques, la mise en scène de la déambulation au fil des saisons entre ce couple du formateur et de l’apprenti à la Laurel et Hardy rend l’initiation plus drôle et vivante.
Même s’il ne représente aujourd’hui qu’1/7e de la surface totale des jardins, le potager sur 1000 m2 en reste le cœur nourricier. C’est d’ailleurs à partir de notre potager familial que nous avons développé l’activité pédagogique avec Christine au début. Les espaces paysagers et artistiques que j’ai créés autour me sont plus personnels.
Pour moi, le jardin est d’abord un moyen d’expression, c’est aussi un projet de vie. Il porte mon histoire. Il faut le visiter. Développer sa créativité avec le végétal ouvre des possibilités infinies. Bien sûr, il n’y a pas non plus une seule manière de faire un potager, mais pour un jardinier amateur, cultiver les légumes est la forme la plus compliquée du jardinage et, avec mon expérience de maraîcher, c’est au potager que je suis capable de transmettre le mieux mes connaissances et mes méthodes.
Quelle différence faites-vous entre le maraîchage et le jardinage ?
Le maraîchage implique qu’on vive de la vente de ses légumes. Le jardinage, c’est une autoproduction familiale qui peut rester anecdotique si elle consiste à produire trois kilos de tomates dans la saison et qui peut aller jusqu’à une autoproduction complète pour sa consommation. Cette différence est fondamentale. Je rencontre souvent de jeunes amateurs qui ont l’utopie de vendre les surplus de leur production sur les marchés ou, à l’inverse, de jeunes professionnels qui s’épuisent sur des projets en micro installation mal préparés.
Même avec un rendement proche du maraîchage, un jardinier est 4 à 5 fois moins rentable qu’un professionnel à cause de la rentabilisation du temps et de l’effort qu’il peut consacrer à cette activité.
Vous vous définissez comme un « pragmatique bio », c’est-à-dire ?
Je cultive en bio depuis toujours, sur les principes du respect de l’environnement, de la favorisation de la biodiversité et contre l’utilisation des pesticides, ce qui ne m’empêche pas d’être interventionniste et productiviste.
Le but d’un potager est de produire des légumes. Si on veut cultiver les vers de terre, on ne fait pas un potager, mais une prairie. Par exemple, les fleurs, dans mon potager, ont des espaces dédiés en bordure ou en bout de planches. Je ne les laisse pas pousser au milieu des légumes, car, dans une bonne terre maraîchère, elles deviennent envahissantes. Je suis surtout très attaché à l’économie des efforts et du temps. Je connais trop bien les problématiques de tous les jardiniers mal organisés liées au découragement, à l’épuisement, à l’impuissance face aux mauvaises herbes, aux maladies ou aux parasites. Pour faire un potager il faut prendre du plaisir, avoir un minimum de résultats sans trop se fatiguer, sinon on arrête très rapidement. Pour ça il faut connaître des astuces, des techniques. Bien sûr, chacun apprend en faisant son jardin et je ne suis pas là pour asséner quoi que ce soit, mais je peux simplement transmettre ou témoigner de mon expérience.
Dans la BD, vous vous montrez très critique vis-à- vis de la permaculture, pourquoi ?
J’ai surtout un regard critique et distancié par rapport aux effets de mode. On parlait déjà de la permaculture il y a 40 ans, c’était un idéal vers lequel on voulait tous aller et qui a été remis au goût du jour il y a 15 ans avec la création de la ferme du Bec Hellouin. Maintenant, dans mon Jardin, on me demande toujours si je fais de la permaculture. La réponse est oui, d’une certaine manière, mais je n’aime pas appeler ça comme ça,
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RENCONTRE
 © D. R.


















































































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