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RENCONTRE
je préfère dire « jardinage biologique ». Car, avec mon expérience, je sais faire le tri. Bien sûr, je partage certains principes de base avec la permaculture, mais il y a aussi des techniques et des approches qui ne m’intéressent pas du tout.
Ce que je conteste plus que tout, ce sont les idées toutes faites, les modèles théoriques prêts à l’emploi qui prétendent s’appliquer partout et à tout le monde. Au potager, la seule règle, c’est de savoir pourquoi on fait les choses.
Qu’est-ce qui ne vous intéresse pas dans la permaculture ?
Concrètement, d’abord les résultats. Au niveau de la production maraîchère, il est beaucoup plus intéressant de cultiver en bio 10 hectares de pommes de terre que de développer des modèles permacoles aux rendements affligeants. Le compagnonnage systématique des plantes crée pour moi plus de problèmes en générant plus de travail à l’entretien qu’il n’en résout. En revanche, la rotation des cultures pour empêcher l’appauvrissement des sols est primordiale. Je ne suis pas attiré non plus par les techniques hors-sol qui consistent, en réalité, à installer des plantes sur du compost en tas, que ce soit selon la méthode des buttes de Holzer avec des bûches en dessous ou sur le principe des lasagnes. À chaque fois, il s’agit de saturer le sol en matière organique
avec pour seul crédo « de créer de l’humus ». En réalité, les sols saturés en humus, et donc en carbone, fonctionnent mal, ils deviennent paresseux.
En maraîchage, pour amplifier la nervosité des sols, nous avons plus besoin de « MOF », de Matières organiques fugitives. Je travaille avec des composts jeunes, des engrais verts, des fumiers presque frais et j’utilise très peu de composts mûrs qui ont perdu en grande partie leur valeur alimentaire, notamment l’azote. Il y a ainsi toujours un peu d’humus qui se forme pour un stock de carbone équilibré.
Le sol est au centre de vos préoccupations. Pourquoi ?
Parce que c’est la base de tout. J’ai été formé par la méthode de Yves Hérody, un pédologue [spécialiste de la formation et de l'évolution des sols, NDLR] qui a développé dans les années 1980 une approche passionnante des sols. Dans mes formations, j’essaye de distiller quelques notions de savoir au niveau amateur, pour permettre à chacun de connaître son sol, pour diagnostiquer sa structure, sa composition, sa teneur en calcium, par exemple, avec quelques tests simples. Seules l’observation et la connaissance de l’état de son terrain déterminent ce qu’il faut faire pour l’améliorer. Il n’y a pas de systématisme. Ce n’est pas parce qu’un sol est noir qu’il est fertile. Il y a certaines plaines très fertiles du Canada, où il n’y a pas
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