Page 21 - Rebelle-Santé n° 223

ENVIRONNEMENT
En ville, concrètement, que faut-il faire, arracher le bitume ?
C'est beaucoup plus complexe que cela. Il faut prendre le sujet sous plusieurs aspects en même temps. Aujourd'hui, la ville s'étale sur des terres agricoles, sur des milieux naturels parce que c'est moins cher. Le concept de « zéro artifi- cialisation nette » recommande de ne plus étendre les métropoles. Cela revient à sensibiliser les res- ponsables politiques au fait qu'il faut densifier la ville et augmenter également les surfaces en espaces verts. Il faut utiliser les nombreux logements vacants, surélever les immeubles qui le supportent. Il y a des friches bétonnées et des bâti- ments vétustes que l'on pourrait réinvestir. Dans un premier temps, il faut optimiser l'existant. Ensuite, il faut imposer à chaque opération d’aménagement un minimum de pleine terre, de nature. Enfin, il existe un gisement important d’an- ciens parkings, des cours d'école, des places de ville, des trottoirs pour désimperméabiliser les sols et revégétaliser tout ça.
Quels seraient, pour vous, les éléments d’une ville idéale en biodiversité ?
La ville idéale est celle qui existe déjà car il vaut mieux transformer l'existant que construire une ville nouvelle sur des terres agricoles... Certains auteurs estiment qu’il faudrait entre 30 et 50 % de place réservée à des espaces de nature. Ces espaces doivent par ailleurs être connectés les uns aux autres, si possible à moins de 300 mètres, pour assurer une fonction de trame verte, de corridors écologiques. Il y a aussi un potentiel énorme pour végétaliser les façades et les toi- tures. Avec des systèmes simples comme des plantes grimpantes, des prairies sur les toits. Pas besoin de gadgets trop gourmands en eau et en entretien, comme les murs végétalisés sur support irrigué. Du bon vieux lierre, de la clématite
ou du chèvrefeuille couvrent très bien. Il faudrait garder perméables tous les espaces de voirie, et de parking. Éviter d'étaler les parkings mais plutôt les avoir en silos. Il y aurait aussi des espaces de nature sauvage où on la laisse se dévelop- per sans intervention, comme les friches.
Quels conseils donner aux personnes qui ont un jardin ?
Bonne nouvelle, déjà : ils n'ont plus le droit d'utiliser des pesti- cides dans leur jardin grâce à la loi Labbé. C’est interdit sur les es- paces publics depuis 2017 et dans les espaces privés depuis 2019. C'est aussi une manière de réduire l'impact sur la biodiversité. Nous avons fait un guide sur ce sujet : « Guide du jardin écologique »1. Il préconise de moins gérer le jardin et moins tondre, en laissant des espaces sauvages. Pour planter, le label Végétal local permet de se fournir en plantes locales moins gourmandes en eau et adaptées aux pollinisateurs locaux. On peut installer un hôtel à insectes, une mare, des nichoirs pour les oiseaux en se faisant conseiller par les as- sociations naturalistes.
Et pour la santé ?
Il y a énormément de liens entre bien-être, apaisement, santé et bio- diversité dans les villes. Des études montrent clairement qu'un envi- ronnement davantage végétalisé est considéré comme plus apaisant par les populations, qu’il réduit le stress et l'anxiété. D'autres études montrent que les arbres améliorent la qualité de l’air en réduisant les taux de particules fines, de pol- luants, d’oxyde d’azote. Les col- lectivités qui développent une politique en faveur de la nature en ville mènent une politique de santé publique. Nous avons recruté une personne en apprentissage, entre l'agence régionale de la biodi- versité et l'observatoire régional de santé. Elle va travailler sur les liens entre santé et biodiversité et essayer de les traduire en outils opérationnels et faire converger les politiques publiques.
Propos recueillis par Christophe Guyon
1 Disponible gratuitement sur le site Internet de l’agence régionale de la biodiversité Île-de-France : www.arb-idf.fr
PHOTO : NATHALIE BAUMANN
Prélèvement de sol sur une toiture végétalisée à Boulogne-Billancourt
Rebelle-Santé N° 223 21