Page 93 - Rebelle-Santé n° 200
P. 93

ÉDUCATION
Frelon asiatique
la biodiversité que l’abeille domestique dans la pol- linisation. À l’origine de ce qu’on mange, certains experts avaient chiffré en convertissant en milliards de dollars ce que rapporte la pollinisation pour la pro- duction agricole. Sans ces pollinisateurs, on ferait dis- paraître un certain nombre de cultures de nos étals de fruits et légumes, comme les cucurbitacées, mais la pollinisation ne concerne pas seulement notre ali- mentation. Un certain nombre de plantes sauvages, dont on ignore parfois jusqu’à l’existence, ont abso- lument besoin de certaines espèces, sans lesquelles elles disparaissent. Beaucoup d’espèces sauvages ont déjà disparu. On n’en parle pas car elles sont moins intéressantes que l’abeille domestique d’un point de vue économique. Ça va malheureusement continuer.
Quels sont les principaux périls qui menacent les abeilles actuellement ?
L’espèce humaine pollue énormément et menace toutes les espèces d’abeilles, notamment par le dérè- glement climatique ou l’utilisation des pesticides et des insecticides. Les périls sont nombreux et surtout se conjuguent entre eux. Les abeilles sont de plus en plus soumises aux conséquences des activités humaines, qui étendent leur emprise sur la nature pour construire, coloniser et aménager de nouveaux espaces d’exploi- tation. Si on prend l’exemple extrême de la Beauce, il n’y a plus de place pour les abeilles. La monoculture a supprimé les talus et les haies qui permettent la nidifi- cation des espèces sauvages. Si, malgré tout, les polli- nisateurs parviennent à s’installer, ils meurent à cause des produits chimiques répandus dans les champs. De plus, dans le contexte mondialisé, en ce qui concerne l’apiculture, on échange un certain nombre de maté- riel génétique à travers le commerce des reines qui favorise la propagation des virus, des bactéries patho- gènes ou des parasites...
Le dernier exemple, c’est l’arrivée, au début 2010, d’un nouveau prédateur, le frelon asiatique, très an- goissant. Les abeilles subissent ainsi toutes sortes de pressions qui amplifient les stress, en les combinant les uns avec les autres. Par exemple, parmi les insecti- cides, le danger ne vient pas seulement des néonico- tinoïdes car tous les produits au contact des abeilles créent des interactions détonantes. En ce moment, l’INRA a engagé un certain nombre d’études sur les effets cocktails entre les produits chimiques et leurs effets combinés avec d’autres vecteurs pathogènes ou maladies. On a identifié également une vingtaine de virus. Le virus des ailes déformées, notamment, est très virulent et, comme notre grippe, mute très rapide- ment, fragilisant les colonies affaiblies.
Comment lutter aujourd’hui pour préserver les abeilles ? Quels sont les moyens à notre disposition ?
Les abeilles domestiques, même si elles ne sont pas en voie de disparition, sont très fragilisées. Les api- culteurs paient le prix fort en termes de productivité. Il faut tout faire pour les soutenir. En plus de légiférer sur l’usage des insecticides, il faut également penser à aménager l’espace en conservant des parcelles sau- vages pour permettre aux espèces de se nourrir toute l’année. Même s’il existe des moyens mis à la dispo- sition des apiculteurs pour lutter contre des parasites et les maladies, la bonne vitalité des colonies per- met d’augmenter leur résistance aux agressions et au stress. Par exemple, pour le varroa, on dispose soit de molécules de synthèse, soit de molécules naturelles dans le cadre de l’agriculture biologique. Dans tous les cas, il s’agit de produits acaricides qui ne sont, par définition, pas très bons pour les colonies, sans comp- ter que le traitement représente un coût pour l’apicul- teur en termes d’achat et de temps. Pour les virus, il
Rebelle-Santé N° 200	45


































































































   91   92   93   94   95