Page 94 - Rebelle-Santé n° 193
P. 94
MÉDECINE D'HIER ET D'AUJOURD'HUI
anesthésie à l’éther à l’hôpital de Boston en 1846, en mettant au point un appareil spécialisé.
En 1847, en Angleterre, James Young Simpson réalise la pre- mière anesthésie au chloroforme pour l’accouchement de la Reine Victoria, initiant la méthode dite d’« anesthésie à la reine ».
Les risques de ces anesthésies par inhalation sont très élevés, d’au- tant que la nécessité d’apporter de l'oxygène est dans un premier temps ignorée. Les premiers morts concomitants de cette invention ouvrent les débats de la fin du XIXe siècle au début du XXe siècle, autour des trois principaux gaz. Seul le protoxyde d’azote est tou- jours utilisé aujourd’hui.
Face à l’absence d’évaluation de la toxicité des produits utilisés, les premières approches physiolo- gistes comme celles, en France, de Paul Bert ou de Claude Bernard, permettent d’observer mieux les effets. De nouvelles machines sont inventées pour améliorer le contrôle de l’évaporation des gaz et gérer leur administration, selon des valeurs obtenues par des don- nées expérimentales.
L’invention de l’anesthésie balancée
On maîtrise alors mal les effets secondaires des différents pro- duitsutilisés(agissantnotamment sur les fonctions respiratoires, le
rythme cardiaque, la pression san- guine ou le taux d’oxygène).
La morphine est extraite de l’opium en 1806. Cependant, il faut attendre l’invention de la seringue à aiguille creuse en 1852 pour injecter le produit. Les risques sont toutefois aussi grands.
Les premières tentatives, dans les années 1870, d’anesthésie géné- rale par injection intraveineuse de morphine conduisent généra- lement à l’overdose.
Les anesthésies générales intra- veineuses ne se développent qu’à partir des années 1940 par la mise au point de barbituriques purifiés et à action rapide. Claude Bernard préfigure toutefois, dès 1860, les bases de « l’anesthésie balancée », associant la morphine et le chlo- roforme, une méthode révolution- naire qui consiste à combiner et diversifier les produits pour mini- miser les effets secondaires grâce à la diminution des doses de cha- cun (une méthode toujours valide aujourd’hui, même si on n'utilise plus les mêmes produits).
L’anesthésie intraveineuse et locorégionale
À la fin du XIXe siècle, l’anesthésie locorégionale se développe à partir de nouvelles molécules.
En 1859, Albert Niemann extrait la cocaïne, dont les vertus anesthésiantes conduisent Vassily
von Anrep, en 1880, à proposer son emploi comme anesthésique local.
Les anesthésies péridurales et rachidiennes sont mises au point à partir de la fin du XIXe siècle. Un chirurgien allemand, August Bier, réalise le premier essai de rachianesthésie en 1898. En France, Sicard effectue les premières rachianesthésies à la cocaïne et à la morphine l’année suivante, tandis que Théodore Tuffier, par la mise au point d’une nouvelle aiguille, perfectionne la technique de ponction et d’injection. La toxicité des molécules stimule la recherche pharmacologique de nouvelles substances. En 1904, la Stovaïne de Fourneau est ainsi le premier anesthésique local de synthèse, il est supplanté l’année suivante par la Novocaïne d'Einhorn. Peu à peu, les pharmaciens combinent des molécules de plus en plus actives pour une toxicité moindre.
De l’utilisation des curares aux techniques de respiration artificielle
Alors qu’au début du XXe siècle, les techniques et les appareils se perfectionnent, on distingue trois grandes propriétés de médica- ments anesthésiants, dont les fron- tières sont poreuses.
•Les hypnotiques, ou narco- tiques, entraînent la perte de conscience.
•Les analgésiques, ou morphi- niques, diminuent la perception de la douleur.
•Les curares, quant à eux, pré- sentent l’avantage d’entraîner la paralysie musculaire, induisant le confort et la précision du geste chirurgical. Ils empêchent cepen- dant la respiration, qui doit alors être maintenue artificiellement. Claude Bernard, en 1844, avait déjà constaté les effets paraly- sants des curares, mais ce n’est qu’en 1942, au Canada, qu’un dérivé purifié, l'intocotrine, extrait
94 Rebelle-Santé N° 193
© Restuccia Giancarlo - Fotolia.com