Page 95 - Rebelle-Santé n° 192
P. 95
CULTURE ET TRADITIONS
Pôle industriel de Tarente...
L’agriculture n’est pas épargnée, le bétail est atteint, tandis que dans les champs, engrais et pesticides ont raison des araignées, que les chercheurs utilisent comme bio- indicateurs de la pollution des milieux naturels. La tarentelle agonise et avec elle, la tarentule, restent le vide et l’absence.
La mort du rituel questionne avec acuité l’échec de la modernité, re- tourne la question de la folie, car, face à l’aveuglement industriel, qui est le possédé ?
Et de conclure avec Nietzsche : « Il y a des hommes qui par manque d’expérience ou par stu- pidité se détournent de tels phé- nomènes comme de “maladies populaires”, avec des sarcasmes ou des airs de pitié, tout remplis qu’ils sont du sentiment de leur propre santé : les malheureux, ils ne soupçonnent certainement pas quel teint cadavérique et quelle al- lure fantomatique prend leur “san- té” quand passe, en grondant au- près d’eux le cortège, flamboyant de vie, des fous de Dionysos. »
Lisez le livre, et laissez-vous mordre pour que revienne la tarantelle !
Lucie Servin
puisque la ville produit 92 % de la dioxine italienne et 8,8 % des émissions totales européennes. En dix ans, leucémies, lymphomes et myélomes ont augmenté de 30 à 40 %. La dioxine s’accumule, endommage l’ADN avec des
conséquences sur les générations suivantes. À Tarente, on estime la quantité répandue à 9 kg, trois fois la quantité présente à la ca- tastrophe de Seveso (surnommé le Bhopal italien, la ville contaminée par une fuite de dioxine en 1976).
HIStOIre DeS tarenteLLeS
La tarentelle a largement dépassé le cadre des frontières italiennes et sert d’argument touristique et pittoresque au folklore, alors que la pratique populaire décline. Peut-on néanmoins résumer « le tarentisme » à l’ensemble des danses et des musiques traditionnelles du sud de l’Italie, un ensemble formel collecté et figé en dehors du rituel qui l’a fait naître ? À l’encontre d’Ernesto De Martino, qui étudiait le rituel de la tarentelle dans La Terre du remords (1961) et considérait, en intellectuel éclairé, les paysans illettrés comme des victimes, Alèssi dell’Umbria adopte un point de vue radicalement différent et substitue aux préjugés élitistes les chants comme matière première de son travail. Un florilège panoramique, qui invite à écouter une culture paysanne liée à un territoire, forgée par l’expression dramatique d’une cosmogonie complexe.
•Tarentella ! Possession et dépossession dans l’ex-royaume de Naples, Alèssi dell’Umbria - Éditions l’œil d’or - 496 pages - 28 €.
Rebelle-Santé N° 192 95
© Samuele Gallini - Fotolia.com