Page 71 - L'AVENTURE DE JABER
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L’Aventure de Jaber
CLIENT 2, profitant de ce silence. - Ramène-nous à Jaber, père Mounès !
YASSER, il poursuit. - Seigneur, protège-nous ! Je sens parfois que je ne te comprends pas, Mansour. Pourquoi tu es fâché de ce qu’il a fait ? Quelqu’un peut-il tirer profit d’une telle occasion et la laisser tomber ?
MANSOUR, éclatant. - Tu appelles ça une occasion ? Il n’y a rien à faire. Vous ne voyez pas plus loin que le bout de votre nez. Il se jette, les yeux fermés, dans un tourbillon déchainé... C’est ça que tu appelles une occasion ? YASSER. - Un tourbillon déchainé. Seigneur, protège-nous ! Mais, dans ce tourbillon, il y a une jolie femme et une grosse fortune et, par-dessus tout, la situation qu’il souhaite. Il voit bien ce qu’il y a devant lui. Jaber n’est pas un homme aveugle.
MANSOUR. - La femme et la fortune... Oui, c’est tout ce qu’il voit, mais derrière elles, ne voit-il pas que la mort est au cœur de ce tourbillon ? Sa mort... peut-être même la tienne, toi qui parles bêtement et rêves d’une occasion. C’est peut-être la mienne... c’est peut-être notre mort à nous tous. YASSER, craintif. - Tu es cruel et tu exagères. Seigneur, protège-nous ! Parfois, je ne te comprends pas. La mort nous guette toujours, que Jaber parte ou qu’il reste.
MANSOUR, triste, comme s’il se parlait. - Bien sûr qu’elle nous guette. Comment veux-tu qu’elle ne nous guette pas ? Les hommes intelligents se jettent les yeux fermés dans les tourbillons. Ils n’y aperçoivent que femmes et fortunes. Et les idiots comme toi envient les gens intelligents. Bien sûr que la mort nous guette, tout comme l’humidité de cette nuit.
YASSER. - Tes paroles sont dures et piquantes. Tu es sans doute triste et fâché. Je sens parfois que je ne te comprends pas, Mansour !
MANSOUR, en partant. - C’est pourquoi tu mourras heureux !
YASSER. - Seigneur, protège-nous ! Il est sans doute fâché et triste.
Il porte ensuite les pièces du décor et sort à son tour.
CLIENT 3.- Ramène-nous à Jaber !
CLIENT 2.- Nous ne voulons pas le lâcher d’un pas jusqu’à la fin de l’histoire.
CLIENT 1.- Ses histoires nous plaisent plus que les autres.
LE CONTEUR. - « Jaber traversait les étendues désertiques. Il se tâtait la tête sur laquelle le vizir avait inscrit son message et la joie envahissait tous ses
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