Page 35 - Une vie, ma vie, mon parcours
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Le voyage - les corons
monter sur un petit banc pour étirer la pâte, car elle était trop
petite. En fin de journée, pour l'heure du repas qui avait été
fixée, l'eau devait bouillir.
Elle ne sortait quasiment jamais, si ce n'est pour aller à la
fontaine ou apporter une collation à ses frères en début
d'après-midi. Elle partait de chez elle, contournait un pâté
de maisons, descendait les 50 marches qui menaient à la
place et prenait le chemin pour aller rejoindre ses frères qui
travaillaient sur leur domaine. Ce chemin menant également
à la fontaine et à notre maison, mon père et ma mère ont dû
se croiser lorsque lui allait vers la place du village et ma mère
en venait. A cette époque, chacun pensait à ses propres
occupations. On n'entamait pas une conversation en pleine
rue, surtout entre une fille et un garçon de leur âge. Tout au
plus, ils pouvaient s'échanger un bref regard ou esquisser un
sourire.
Ma mère m'a expliqué qu'un jour où elle était à la
fontaine, mon père est passé. Lorsqu'il s'est éloigné, elle
avait pensé : "C'est dommage qu'il habite en dehors du
village, au-dessus de la fontaine, sinon il n'est pas vilain
comme jeune homme."
Posséder une maison en dehors du village était, à cette
époque, assez mal vu, car c'étaient souvent les familles les
plus pauvres qui avaient, tant bien que mal, construit leur
maison sur les fondations d'anciennes granges ou autres
masures. Tandis qu'il n'était pas rare que des personnes
qui habitaient dans le village construisent dans les
campagnes des granges, cabanes, cabanons ou cahutes. De
ce fait, ceux qui n'avaient que cela comme habitation
principale étaient moins bien considérés.
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