Page 16 - Miettes
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laver, sécher ma peau de bébé qui frissonne dans le froid de la
pièce cet hiver durant. Ne pas bouger la séance tenante. Rhabiller
vite car il fait froid.
Je suis emprisonnée de haut en bas. Le seul mouvement qui soit
permis à mes petites jambes séquestrées en flexion est identique
au balancement d'une pendule. De droite gauche, de gauche
droite. L'on ne doit me porter que de dos afin de préserver le fragile
réglage de cette toile d'araignée qui m'emprisonne. Le tendre peau
à peau tant fantasmé par maman nous est interdit. Je ne
m'endormirai pas sur sa poitrine pour mes siestes. Je n'entendrai
pas son coeur battre si fort pour moi au creux de ma petite oreille.
Cela n'enlève rien à notre bonheur. J'aime la vie je suis heureuse
Je souris, je ris aux éclats, j'ai des fous-rires.
Mon petit corps est réparé. Je vais enfin être libérée. Maman est
prévenue. J'aurai probablement du retard dans la marche après
une telle période d'immobilisation. Que nenni. Certes je ne
marcherai pas à quatre pattes comme tous les bébés mais
qu'aurais-je fait jusque-là comme tous ces autres ? Bien peu de
choses. Je leur donnerai raison. Je ne marcherai pas quatre-
pattes. Je ferai bien mieux que cela. Je me mettrai debout
directement et je les surprendrai tous.
Je suis comme maman je suis une battante. Je commence à
marcher à huit mois déjà, mais la course à la vie me rattrape. A
trop vouloir en faire, je suis punie de nouveau, et cette fois pas des
moindres. L'on me plâtre de la tête aux pieds jambes écartées.
L'on regarde maman avec effroi. Qu'avait donc bien pu faire cette
mère à son enfant pour qu'il se retrouve ainsi emmuré dans un
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