Page 11 - Miettes
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Du fait, maman n’était pas même déçue que papa la laisse seule
se confronter à ce mur de responsabilités nouvelles. Elle n’avait
pas d’attentes particulières. Il l’avait déjà bien habituée à cela. Ma
rééducation a donc été l’affaire de maman, elle a géré ces
« détails » enquiquinants concernant ma santé, fait les allers et
venues et parcouru les distances nécessaires pendant que lui
s’enfonçait toujours un peu plus dans son travail.
De toute façon, les docteurs sont des « cons ». Il ne veut rien avoir
à faire avec eux. Lui sa santé est de fer, que les autres « crèvent »,
« c’est la nature ». « Elle est bien faite ». Je suis navrée de ne pas
en être, de ceux-là qui sont en bonne santé, de ceux-là qui sont
parfaits comme il se prévaut de l’être. De ceux-là qui ne lui font
pas regretter cette liberté des années « célibataire » dont le deuil
n’a pas toujours fait.
Il a pourtant choisi maman. Et il l’a même épousée. De toute façon
elle était obligée, sinon elle n’aurait pas pu le suivre dans ses
mutations. Enfin, il parait… Maman a 10 ans de moins mais
comme lui ne fait pas son âge... Et puis il a l’esprit jeune aussi, il
fait d’ailleurs tout comme eux. C’est une chance non ?
Au quotidien, c’est maman est en haut, qui fait du gâteau, et papa
est là-bas, quelque part au travail. Ce n’est « pas un feignant », il
aime à dire cela à qui veut l’entendre. Donc ça justifie qu’il ne soit
pas là. En plus papa il était militaire avant. Ca inspire forcément,
grand-père aussi était militaire. Les militaires ce sont des gens
bien, c’est obligé. Ils font plein de choses, ils sont sérieux. Bon
pour sur parfois ils sont absents pendant longtemps mais du coup
maman, ça, elle connaissait déjà. Elle a fait avec. Sauf qu’après
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