Page 9 - Miettes
P. 9
2
Je suis née le 8 janvier. Maman a fait sa guerrière tout au long de
ma grossesse. Elle m’attend impatiemment et rien ne l’arrête. Je
vois bien. Tout se bouscule. Tout est prêt à présent et je me fais
attendre une fois de plus. Les demoiselles doivent se faire désirer
non ? Les layettes sont jaunes, vertes, blanches… pas de rose ni
de bleu. La surprise jusqu’au bout, je ne révèlerai qu’à ma sortie
qui avait raison sur ses présages.
Et je vous ai tous bien eus. Entre les mamies qui spéculaient sur
ce ventre pointu et la propension de maman à ne se projeter
qu’avec un petit garçon pour n’avoir eu que des frères, mon arrivée
vous a tous désappointés.
J’aime surprendre. Papa aussi aime surprendre. Pourquoi ne pas
vouloir couper ce cordon ombilical ? Certes il avait prévenu qu’il
ne voulait pas le faire, mais… pourquoi ? Maintenant que je suis
là, pourquoi ne fais-tu pas ce premier geste pour m’accueillir ?
Certes je n’étais pas très belle après tous ces efforts. Mon petit
visage était tuméfié par les forceps, le sommet de mon crane tout
allongé bombé par l’hématome, et je ne vous laisserai pas même
m’embrasser pour créer ce lien qui reste gravé dans la mémoire
de tout nouveau parent au dépôt du petit être fragile tant désiré sur
la poitrine de maman.
9