Page 19 - Miettes
P. 19

4




               Mamamma.... maman. Je le dis enfin. Il est bien mérité et il est
               délicieusement  savouré.    Pour  n'avoir  pas  été  habituée  aux
               étreintes de maman, je ne suis pas câline. Maman est en reste.
               Elle voudrait tant m'attraper, me serrer fort, butiner mon cou en
               remontant    jusqu'au  creux  de  ma  nuque  pour  s'enivrer
               profondément de sa moiteur sucrée. Mais j'ai le poing levé pour
               restaurer  cet  espace  qui  m'a  tant  de  temps  été  familier.  Alors
               maman essaie de me... domestiquer. Pendant que papa s'amuse
               de la situation et savoure enfin un biais de sa paternité, se plaisant
               a  reconnaître  en  moi  enfin  quelques  traits  de  caractère  de  lui-
               même.    Ce  côté  auto  revendiqué  de  rebelle,  d'associable,
               d'insaisissable. Il aime me voir avorter les approches affectueuses
               de maman. On jurerait qu'il s'en régale. Lui pense qu'être tendre
               et gentil c'est pour les faibles.

               J'accède ainsi peu à peu au privilège de monter sur ses genoux
               au volant de son camion-citerne. J'aime le camion de papa. Il est
               énorme. Il est jaune comme un soleil. Après tout je commence à
               mériter son attention. Je ne suis plus tout à fait qu'un bébé. Je
               parle un peu, je réponds, je bagarre... cela amuse beaucoup papa.
               Lorsque je fais des comédies il me félicite.  Lorsque je tiens tête, il
               rit. Il dit que je vais être comme lui. Comme lui comment ? Quand
               il était petit comme moi ?

               Mamie du côté de papa ne peut pas dire... on ne l'a jamais vue
               encore.  Papa  ne  veut  pas.  Il  dit  qu'elle  n'est  pas  une  bonne


                                           19
   14   15   16   17   18   19   20   21   22   23   24