Page 19 - Miettes
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Mamamma.... maman. Je le dis enfin. Il est bien mérité et il est
délicieusement savouré. Pour n'avoir pas été habituée aux
étreintes de maman, je ne suis pas câline. Maman est en reste.
Elle voudrait tant m'attraper, me serrer fort, butiner mon cou en
remontant jusqu'au creux de ma nuque pour s'enivrer
profondément de sa moiteur sucrée. Mais j'ai le poing levé pour
restaurer cet espace qui m'a tant de temps été familier. Alors
maman essaie de me... domestiquer. Pendant que papa s'amuse
de la situation et savoure enfin un biais de sa paternité, se plaisant
a reconnaître en moi enfin quelques traits de caractère de lui-
même. Ce côté auto revendiqué de rebelle, d'associable,
d'insaisissable. Il aime me voir avorter les approches affectueuses
de maman. On jurerait qu'il s'en régale. Lui pense qu'être tendre
et gentil c'est pour les faibles.
J'accède ainsi peu à peu au privilège de monter sur ses genoux
au volant de son camion-citerne. J'aime le camion de papa. Il est
énorme. Il est jaune comme un soleil. Après tout je commence à
mériter son attention. Je ne suis plus tout à fait qu'un bébé. Je
parle un peu, je réponds, je bagarre... cela amuse beaucoup papa.
Lorsque je fais des comédies il me félicite. Lorsque je tiens tête, il
rit. Il dit que je vais être comme lui. Comme lui comment ? Quand
il était petit comme moi ?
Mamie du côté de papa ne peut pas dire... on ne l'a jamais vue
encore. Papa ne veut pas. Il dit qu'elle n'est pas une bonne
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