Page 22 - Miettes

son courage, sa capacité à tout mettre en œuvre pour elle
seule...son sérieux...

Maman était habituée à ne pas être remarquée. Et elle se
retrouvait au centre de l'attention de ce homme séduisant aux yeux
azur et au teint mat, un peu charmeur mais pas trop, et
sympathique. Très sympathique.

L'année scolaire finie maman ne voulut pas retourner aux côtés de
papy et mamie. Elle sentait que son chemin de vie se traçait avec
cet homme. Cela s'imposait comme une évidence. Elle était en
âge de décider de toute façon. Elle rejoindrait papy et mamie plus
tard. Oui plus tard. Bien plus tard.

Maman n'avait pas envie de retrouver ce foyer ou elle a grandi.
Elle avait goûté à la quiétude d'une vie qui n'est plus rythmée pas
les disputes de ses parents, les cris, les pleurs, les longs silences.
L'attente de la visite d'un voisin qui les obligerait à feindre que tout
va bien à la maison et les confronterait à l'obligation suprême de
se reparler et de réparer leur humeur. Comment briser ces
silences d'asile d'aliénés tus sous une pile de cachets pour la nuit,
où seuls le claquement des petits talons nus de ses frères
résonnait à l'écho du cliquetis des grandes et lourdes bouteilles du
bar.

Non elle n'y retournerait pas. Elle était trop heureuse et libérée à
cet instant de sa vie. Cela ne lui ressemblait pas du reste, de
penser à elle avant les siens, elle savait qu'elle leur manquerait.
Mais la noirceur du tableau de l'autre côté de son miroir lui faisait
gagner en assurance. Elle n'y pouvait rien changer à cette

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