Page 23 - Miettes
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situation qu'elle avait souffert. Elle ne pouvait se substituer à cette
mère courage qui avait abandonné ses droits de femme au
bénéfice d'un foyer propre, lisse et soyeux aux yeux de tous.
Maman ne se sentait pas la force, elle ne trouvait pas le courage
de retourner vivre auprès d'eux. Son désespoir d'y changer
quelque chose l'avait rendu lâche. Elle ne voyait que sa peur et
oubliait que ses frères l'avaient eu pour relais et avaient
certainement besoin encore, à leur âge, de sa présence douce et
chaleureuse.
Car la fatalité les avait frappés peu de temps avant. Un drame avait
eu lieu. Et ils avaient dû partir vite et loin. Et ils avaient dû laisser
maman derrière pendant un temps. Et cela faisait un peu de bien
cette distance des cœurs maussades et pétrifiés par les
événements de la vie. Et cela avait bon goût le bonheur. Ce
bonheur qui faisait tant défaut à cet instant dans le cœur du noyau
familial expatrié.
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