Page 44 - Miettes
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une vie mal construite et des erreurs qu’elle paierait jusqu’à la fin
de ses jours probablement.
En dépit de tout cela, notre vie continuait. Maman se maintenait à
la surface à grands renforts de médicaments, tout à la fois
l’assommant et la stimulant. Grand-père et mamie s’occupaient de
moi comme de leur propre fille. Nous coulions des jours heureux,
à la mesure de ce que nous pouvions partager encore.
J’avais un lapin. Il s’appelait Moumousse. Je lui donnais de la
salade verte tous les jours et caressais son duveteux pelage de
neige. Grand-père avait apprivoisé un petit moluque. Il venait sur
le rebord de la fenêtre de la cuisine tous les matins et lui montait
sur l’épaule. J’avais le droit de le prendre sur mon doigt parfois,
mais il faisait des crottes… Je jouais à la poupée, je faisais du vélo,
ce petit vélo, mon tout premier. C’est avec mamie que j’ai appris.
Il avait les roues rouge, bleu et jaune.
Je partage ma chambre avec maman chez mamie et grand-père.
Parfois on va à la station chercher des nems pour le déjeuner.
Papy nous amène à la plage sur son petit bateau en coque
d’aluminium. Parfois aussi nous allons passer quelques jours à
Karikaté, on dort là-bas dans une cabane au bord de la mer. J’aime
bien aller à Karikaté. Je me suis faite une chouette copine là-bas.
Quand on y va, j’ai l’impression que maman est heureuse. Ses
cernes bleutées disparaissent et elle perd son air fragile quand elle
ferme les yeux au soleil comme pour mieux se nourrir de sa
lumière.
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