Page 105 - La pratique spirituelle
P. 105

Quand on est dans la souffrance, mais même plus généralement,   L’interprétation est une habitude, un réflexe. Elle doit être
 il apparaît parfois qu’on n’a pas de choix.  objectivée clairement, dans son caractère limité et réducteur,
 Pas de choix, en effet.  afin qu’elle puisse s’éteindre d’elle-même. Un réflexe se main-
            tient s’il y a un intérêt à cela. Il s’éteint, si l’intérêt s’éteint
 Comprendre que la volition elle-même n’est pas un choix, donc   aussi. Même lorsque vous habitez l’avant-plan, ce mouvement
 qu’il n’y a rien à faire, et aussi que tout est parfait ainsi, apporte   projectif est vu à partir de l’arrière-plan. C’est pour cela que
 un apaisement.  vous pouvez en parler. Vous êtes, toujours, en réalité, l’arrière-
 Oui, la distance, entre ce qui devrait être et ce qui est,   plan qui voit. C’est le fait de ne pas habiter constamment cette
 disparaît.  évidence, qui donne une impression de fluctuation, d’instabi-
            lité dans la perspective. Maintenez votre écoute et votre vision
 Je crois que c’est à cela que tu te réfères en disant : « Rien de ce   détachée, silencieuse et sans jugement. Tôt ou tard, la perspec-
 que vous faites ne peut vous amener à l’être. »  tive va se stabiliser.
 Le faire est agitation. Le non-faire est tranquillité.
 L’agitation ne conduit pas à la tranquillité. L’agitation est vue   *
 à partir de la tranquillité.        *  *
            Vous dites, dans un de vos enregistrements, qu’il ne faudrait
 *          s’occuper que de ce qui perçoit. Mais alors, pourquoi dites-vous
 *  *
            aussi qu’il faudrait accueillir, écouter les perceptions ?
 La sagesse est d’accepter, mais j’ai encore du mal à accepter d’être   Lorsque les perceptions sont accueillies, écoutées, subrep-
 sage. Il faut la volonté d’accepter... Mais si je ne fais rien pour   ticement, l’accent se déplace depuis la perception vers ce qui
 accepter ?  la contient. La perception remplit alors son rôle de révélateur
 L’acceptation n’est pas le fruit d’un effort. Elle n’est pas un   du contenant.
 résultat. Elle est ce qui est, lorsque le refus n’est pas. Constatez
 donc le refus, sans le refuser, ni chercher à l’évacuer. Le déta-  Cela me parait contradictoire et confus, car écouter les percep-
 chement du refus signe sa mort. Et lorsque le refus est mort,   tions, c’est s’en occuper, il me semble. Mais il doit y avoir une
 celui qui refuse est mort aussi, ne laissant place qu’au vivant,   subtilité que je ne saisis pas.
 dans son essence non manifestée, dans la réalité de ce qu’il est.  Tout dépend ce qu’on entend par écoute. Si l’écoute est
            intentionnelle, intéressée, elle est, en fait, récupérée par le moi,
 *          qui désire en obtenir quelque chose. L’écoute est, alors, en
 *  *       effet, « occupée », comme un vase rempli d’eau. Si l’écoute est
 J’ai toujours l’impression que l’attention oscille de l’avant-plan   considérée dans sa nature pure, sans référence à l’objet, elle se
 à l’arrière-plan, et ceci induit un centre du voir duel, avec une   révèle comme plénitude, unité. Elle n’est plus alors occupée,
 séparation entre le sujet et l’objet.  mais libre. Le vase est vide. Dans cette vacuité, il est perfection.



 104
   100   101   102   103   104   105   106   107   108   109   110