Page 108 - La pratique spirituelle
P. 108
La négliger, ne pas lui donner d’importance, l’ignorer. Mais sou- L’observation, l’écoute des sensations, des tensions du corps, à
vent, elle revient dans mon champ d’attention. elle seule, peut-elle dispenser de l’observation du mental, des
Si vous la fuyez, elle vous rattrapera. Mettez-vous à son pensées, pour réaliser sa vraie nature ? Il est plus aisé d’écouter
écoute, vraiment. Non pas une écoute superficielle, hâtive, le corps que les pensées. Je crois me souvenir que vous disiez que
mais une écoute totale, qui accueille sans rejeter. cette écoute du corps sans interprétation dissout les peurs, les
traumatismes, les mémoires. Est-ce bien cela ?
Être conscient des commentaires mentaux qui se rajoutent. Peu importe que l’objet d’écoute soit une sensation ou une
Oui, prendre conscience des mouvements mentaux secon- pensée. Lorsque vous suivez le fil de la perception jusqu’à son
daires, qui créent une histoire à propos de ce qui n’a pas d’his- origine, vous allez irrémédiablement revenir à l’écoute elle-
toire. Dans l’instantanéïté de l’instant, il n’y a pas de place même, qui est le support de la perception. C’est ce vers quoi
pour l’histoire. L’instant n’a pas d’histoire. invite l’écoute orientée vers un objet. Cette orientation permet
à l’attention de se ramasser en un seul point, et donc de cesser
Revenir à la sensation globale du corps. Ce n’est pas évident, de se disperser, avant de revenir à elle-même, dans sa nature
car il y a une espèce d’obsession mentale à effacer la tension, propre, non objective. Vous pouvez donc user de l’écoute de la
à chercher un corps transparent. Constater cela, en évitant les sensation, comme d’une pratique spirituelle, qui vous permet
commentaires. de suivre la sensation jusqu’au point extrême où elle émerge
Oui, tout à fait, objectivez le refus, sans le refuser. dans la conscience qui la supporte. Si vous restez dans une
écoute focalisée sur la sensation, vous passez à côté de l’ensei-
Se positionner dans la sensation hors du corps, l’espace dans la gnement qu’elle vous offre. Si, après l’avoir écoutée, vous vous
salle. dégagez de la concentration initiale, vous revenez alors vers ce
Lorsque l’attention quitte la concentration sur la sensation, dans quoi elle émerge. Lorsque l’écoute est habitée, la sensation
et se tourne vers la globalité de l’espace, un lâcher-prise se fait est ignorée. Lorsque la sensation est habitée, l’écoute est igno-
par rapport à la fixation initiale. Toute concentration est une rée. Lorsque vous regardez la chaise, le bois qui la constitue est
tension. L’attention naturelle est sans tension. ignoré. Lorsque vous regardez le bois, la chaise qui le prolonge
est ignorée.
Fermer les yeux, être conscient de ce qui perçoit... pas évident. *
La voie directe... à essayer et réessayer. * *
C’est la voie royale. L’attention se tourne vers cela qui est
attentif, et y est absorbée. Il n’y a plus d’objet. Tout est sujet. Ma question concerne la sensation du corps, il semble « vibrer »,
Présence pure, sans objet. Le Je repose en lui-même, dans sa je ne sais comment le dire mieux… Il y a une sensation que je
divine solitude. qualifierais de « légèreté » aussi. Cela doit-il être également
négligé ou est-ce ce que vous invitez à habiter ?
* Toute sensation, même subtile, est objet dans votre écoute.
* * Laissez-la venir et mourir en vous.
108 109