Page 104 - La pratique spirituelle
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Quand on est dans la souffrance, mais même plus généralement,                   L’interprétation est une habitude, un réflexe. Elle doit être
            il apparaît parfois qu’on n’a pas de choix.                                  objectivée clairement, dans son caractère limité et réducteur,
               Pas de choix, en effet.                                                   afin qu’elle puisse s’éteindre d’elle-même. Un réflexe se main-
                                                                                         tient s’il y a un intérêt à cela. Il s’éteint, si l’intérêt s’éteint
            Comprendre que la volition elle-même n’est pas un choix, donc                aussi. Même lorsque vous habitez l’avant-plan, ce mouvement
            qu’il n’y a rien à faire, et aussi que tout est parfait ainsi, apporte       projectif est vu à partir de l’arrière-plan. C’est pour cela que
            un apaisement.                                                               vous pouvez en parler. Vous êtes, toujours, en réalité, l’arrière-
               Oui, la distance, entre ce qui devrait être et ce qui est,                plan qui voit. C’est le fait de ne pas habiter constamment cette
            disparaît.                                                                   évidence, qui donne une impression de fluctuation, d’instabi-
                                                                                         lité dans la perspective. Maintenez votre écoute et votre vision
            Je crois que c’est à cela que tu te réfères en disant : « Rien de ce         détachée, silencieuse et sans jugement. Tôt ou tard, la perspec-
            que vous faites ne peut vous amener à l’être. »                              tive va se stabiliser.
               Le faire est agitation. Le non-faire est tranquillité.
            L’agitation ne conduit pas à la tranquillité. L’agitation est vue                                      *
            à partir de la tranquillité.                                                                          *  *
                                                                                         Vous dites, dans un de vos enregistrements, qu’il ne faudrait
                                       *                                                 s’occuper que de ce qui perçoit. Mais alors, pourquoi dites-vous
                                     *  *
                                                                                         aussi qu’il faudrait accueillir, écouter les perceptions ?
            La sagesse est d’accepter, mais j’ai encore du mal à accepter d’être            Lorsque les perceptions sont accueillies, écoutées, subrep-
            sage. Il faut la volonté d’accepter... Mais si je ne fais rien pour          ticement, l’accent se déplace depuis la perception vers ce qui
            accepter ?                                                                   la contient. La perception remplit alors son rôle de révélateur
               L’acceptation n’est pas le fruit d’un effort. Elle n’est pas un           du contenant.
            résultat. Elle est ce qui est, lorsque le refus n’est pas. Constatez
            donc le refus, sans le refuser, ni chercher à l’évacuer. Le déta-            Cela me parait contradictoire et confus, car écouter les percep-
            chement du refus signe sa mort. Et lorsque le refus est mort,                tions, c’est s’en occuper, il me semble. Mais il doit y avoir une
            celui qui refuse est mort aussi, ne laissant place qu’au vivant,             subtilité que je ne saisis pas.
            dans son essence non manifestée, dans la réalité de ce qu’il est.               Tout dépend ce qu’on entend par écoute. Si l’écoute est
                                                                                         intentionnelle, intéressée, elle est, en fait, récupérée par le moi,
                                       *                                                 qui désire en obtenir quelque chose. L’écoute est, alors, en
                                     *  *                                                effet, « occupée », comme un vase rempli d’eau. Si l’écoute est
            J’ai toujours l’impression que l’attention oscille de l’avant-plan           considérée dans sa nature pure, sans référence à l’objet, elle se
            à l’arrière-plan, et ceci induit un centre du voir duel, avec une            révèle comme plénitude, unité. Elle n’est plus alors occupée,
            séparation entre le sujet et l’objet.                                        mais libre. Le vase est vide. Dans cette vacuité, il est perfection.



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