Page 277 - La pratique spirituelle
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qu’une représentation fictive de vous-même, la photographie voyant. Mais ce n’est qu’une expérience, non illuminatrice, ni
d’un soleil qui ne brûle pas. libératrice, ni rien du tout. Il n’y a plus de monde, mais, sur-
tout il y a : « Il n’y a plus de monde », et cela, cela n’est pas rien.
Il y a encore un contre-sens que je ne parviens pas à clarifier. La L’absence d’une chose est encore une chose. La présence
conscience et la pensée sont une. Mais la conscience est témoin transcende la chose et l’absence de la chose.
de la pensée, et est donc en dehors d’elle, nécessairement.
C’est la pensée qui est en elle. Ce qui contient l’objet n’est Comment se fait-il que le monde renaisse à chaque instant dans
pas l’objet. Bien que le nuage soit dans le ciel, le ciel ne se ce ventre immaculé ?
réduit pas au nuage. C’est le pouvoir de la conscience que de créer les mondes,
sans jamais se renier elle-même.
La conscience est Une. La pensée est objet dans la conscience. La
pensée n’a pas de réalité sans la conscience, elle n’est pas auto- Il semble que la seule découverte, par le biais de la compréhen-
nome. La conscience, elle, est inchangée avec ou sans la pensée. sion, soit justement celle de la dualité.
La pensée est un objet en elle. Lorsque la pensée est vue, celle-ci Il faut bien que vous soyez en dehors de la dualité, pour
est objectivée et la conscience est réalisée libre de son objet. pouvoir la constater.
Oui, la conscience est réalisée libre, non asservie à l’objet.
En réalité, l’objet n’est pas différent d’elle-même. Il n’y a pas Alors que l’amour brûlant qui se révèle à lui-même brûle autant
la dualité que la non-dualité, il est question et réponse...
d’altération du vécu primordial.
Sans les concepts du un et du deux, vous êtes.
Il y a donc deux. Le regard regarde le regardé ? Sans concept, pas de regardé, donc
Non, pas deux, un.
rien à regarder, donc ne reste que « regard » ?
Le Soi est le regard, le regardant et le regardé.
Il y a, lors de l’observation, une scission fondamentale qui se
crée : l’observation (le vécu vivant) se dégage de ce qui est pro-
jeté, et l’objet est reconnu objet. L’expérience est toujours duelle.
Non, pas de scission. L’observation, l’observateur et l’ob-
servé sont un.
Plus profondément, lorsque l’attention est gardée vive et alerte,
et qu’elle ne fuit pas sa propre position d’écoute, aucun objet ne
peut « apparaître » : elle reste dans sa position originelle sans
projection. Quand le monde et le moi n’émergent plus, il ne reste
que cela voyant qu’il n’y a rien d’autre qu’un voyant se sachant
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