Page 274 - La pratique spirituelle
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Quitter le film n’est pas une fuite. C’est réaliser le caractère          Est-il correct de dire que « la nature méditative » de l’être est
            vide et inconsistant du film, ainsi que sa nature projective.                toujours en éveil à elle-même, « active », en silence sous le bruit
                                                                                         mental, les jeux d’identification, etc. ?
            Peut-il être dit que respirer est la quintessence de la méditation ?            Oui, c’est correct ainsi.
               Le souffle n’est connu que par la conscience que nous en
            avons. La conscience préexiste ainsi au souffle.                             Est-il possible de simultanément habiter ce vécu silencieux et
                                                                                         observer le jeu ordinaire de l’ego ? Un jeu qui se déroule comme
            Le souffle peut être empreint d’aspect karmique.                             en périphérie, en surface, avec une valeur de réalité.
               Le déroulement du souffle est, en effet, lié au déroulement                  Oui, la plénitude silencieuse est le témoin des mouvements
            des événements. Les événements peuvent être vus comme une                    mentaux. L’ego est un mouvement mental.
            prolongation du souffle. Un souffle court et haché va de pair
            avec une vie manifestée courte et hachée. Un souffle ample,                  Le vécu silencieux (écoute attentive et vive), est malgré tout
            lent et majestueux, va de pair avec une vie ample, lente et                  conscient de lui-même, comme objet de lui-même mais sans dis-
            majestueuse.                                                                 tance... difficile à expliquer. Je dirais qu’il est objet-objet, ou
                                                                                         sujet-sujet... Comment expliqueriez-vous cela ?
            La mienne s’articule dans votre darshan qui est silence éveillé,                Le témoin éternel et intemporel ne peut être témoin de lui-
            présence, Soi bienheureux et contemplatif. La posture mention-               même, tout en se sachant être ce qu’il est. Il n’est ni sujet, ni
            née par vos soins peut-elle s’appeler d’elle-même et se résorber             objet, car il ignore la division. Il est, le monde n’est pas.
            d’elle-même ?
               C’est la méditation qui vient à vous, et non vous à elle.                 Si j’ai bien compris, le témoin ne peut pas être simultanément
            Acceptez l’invitation.                                                       conscient de lui et conscient du monde ?
                                                                                            Le monde n’est qu’une apparition en lui. Il n’a pas d’exis-
            J’ai le sentiment que la méditation m’amène à renoncer défini-               tence propre. À l’instant de son apparition, le monde et le
            tivement à l’écriture.                                                       témoin du monde sont un. À l’instant de sa disparition, le
               Le renoncement ne concerne pas l’écriture, mais celui qui                 témoin est seul avec lui-même.
            écrit. C’est par le renoncement à celui qui écrit que l’écriture
            se libère, et devient expression du silence.                                 Peut-on « parler », manier les concepts, tout en habitant le
                                                                                         non-manifesté ?
            Le Soi silencieux semble vouloir m’investir. Je renonce à m’y                   Oui, bien sûr. L’agent de police vous demande vos papiers.
            opposer, quoi qu’il en coûte, au profit de votre guidance.                   Vous lui communiquez votre identité manifestée. Elle est
               Le silence du Soi est le maître. C’est lui qui guide de sa                conceptuelle, mais il ne le sait pas. Vous, le sachant, ne vous
            main ferme l’esprit dispersé, et le ramène à lui, de manière                 réduisez pas à cette identité conceptuelle. Vous vous savez
            infaillible.                                                                 illimitée, dans votre nature véritable. Le concept n’est alors




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