Page 283 - La pratique spirituelle

Tant que l’intemporel est cherché dans le temporel, il y Ce flux d’énergie est la source de l’action. Il n’y en a pas
a manque et frustration. Bien que votre nature se réfléchisse d’autre. Le moi qui prétend en être la source n’est qu’un
dans le monde objectif, elle ne peut se réduire à lui. « Rendez imposteur qui cherche à s’approprier ce qui ne lui appartient
à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient pas.
à Dieu. » Il en est de même pour la conscience et ses reflets,
qui doivent être artificiellement séparés, afin que le tempo- Il semble de plus en plus facile de faire confiance… Faire
rel soit vécu à partir de l’intemporel, et non à partir de lui- confiance à la vérité et l’amour, qui est l’essence de la vie. Une
même. L’eau, aussi, doit être séparée du vin, afin qu’elle appa- de vos paroles m’a particulièrement aidée. Elle parlait du
raisse dans sa pureté originelle, et puisse ensuite être reconnue ressenti d’un saisissement : « C’est une brèche ouverte dans la
dans le vin. Bien que le temporel soit tout autant conscience digue… C’est sans retour… La digue sera emportée. » Merci
que l’intemporel, il n’en est qu’un de ses aspects. Et c’est à la pour la bonne nouvelle ! Elle peut prendre du temps avant d’être
lumière de l’intemporel que le monde prend toute sa beauté emportée, mais là où le temps n’est pas, cela ne fait alors aucune
et majesté. Il apparaît alors comme sa directe émanation, différence !
brisant ainsi la frontière entre manifesté et non-manifesté. En effet.
Ultimement, tout est un.
De toute évidence, je suis l’intemporel, qui n’a ni attente, ni
Je ne comprends pas que l’intemporel ne puisse pas être cherché besoin, ni existence… Il semble que la clarté de l’instant brûle
dans le temporel, de même que le mental ne puisse pas objecti- du feu de cette connaissance qui se réalise sans effort, mais
ver sa source.
Si vous êtes sur une piste de ski, et que votre regard est nécessite une attention tournée vers soi ?
porté vers l’aval, il vous est impossible de voir ce qui est en Oui, une attention tournée vers le Soi, vers ce qui précède
amont. Votre regard doit se détourner de l’aval pour se tour- tout mouvement manifesté. On peut dire qu’il s’agit du der-
ner vers l’amont, s’il veut pouvoir le voir. Maintenant, si votre nier effort, celui nécessaire pour briser les résidus d’identifica-
regard veut se regarder lui-même, il réalise que cela n’est pas tion à la mouvance des phénomènes, et permettre l’établisse-
possible, car pour se regarder, il devrait se diviser en deux, un ment dans l’immuabilité du Soi.
témoin et un objet. Comment séparer l’eau du vin ? Ne pas
comprendre et chercher induisent une sorte de vide intérieur ! L’affirmation « je suis l’intemporel qui n’a ni attente, ni besoin,
ni existence... », est sans retour. Elle sonne juste et elle peut être
* gardée comme cela.
* * Oui, le « je suis » pointe vers la pure intemporalité de
Peut-on dire qu’il y a un flux d’énergie universelle qui me tra- l’être. Dire : « Je suis l’intemporel » est donc une réalité plus
verse, ainsi que toute existence ou toute action, et n’est pas réel- vivante et absolue, que de dire « je suis M. ou Mme Untel ».
lement mené par une entité séparée ? Cette entité étant une illu- La première affirmation désigne la nature véritable de l’être, la
sion, une erreur de compréhension ? seconde, son expression transitoire phénoménale.

282